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PHÉDON

mort » ? — C’est bien ce que je fais. — Et ensuite, qu’ils s’engendrent l’un de l’autre ? — Oui. — Ce qui par conséquent provient du vivant, qu’est-ce ? — C’est, dit-il, ce qui est mort. — Et maintenant, fit-il, de ce qui est mort, qu’est-ce qui provient ? — Impossible, répondit Cébès, de ne pas convenir que c’est ce qui est vivant. — C’est donc des choses mortes que proviennent, Cébès, celles qui ont vie et, avec, les êtres vivants ? — Manifestement. e — C’est donc, dit-il, que nos âmes existent chez Hadès ? — C’est vraisemblable. — Des deux générations enfin qu’on a ici, n’y en a-t-il pas une au moins qui précisément ne fait point de doute ? Car le terme « mourir », je suppose, est hors de doute ! Ne l’est-il pas ? — Absolument, il l’est, dit-il, c’est certain. — Comment donc, reprit Socrate, nous y prendrons-nous ? Nous ne le compenserons pas par la génération contraire ? Mais alors c’est la Nature qui sera boiteuse ! Ou bien sera-t-il nécessaire de restituer à « mourir » quelque génération qui lui fasse pendant ? — C’est, dit-il, je pense, tout à fait nécessaire. — Quelle est cette génération ? — C’est « revivre ». — Dès lors, reprit Socrate, puisque « revivre » existe, ce qui constituerait une génération allant à partir des morts vers les 72 vivants, ne serait-ce pas de revivre ? — Hé ! absolument. — Il y a donc accord entre nous, sur ce terrain encore : les vivants ne proviennent absolument pas moins des morts que les morts des vivants. Or, cela étant, il y avait bien là, semblait-il, un indice suffisant de la nécessité d’admettre pour les âmes des morts qu’elles existent quelque part, et que c’est de là précisément qu’elles renaissent. — C’est mon avis, Socrate, dit-il ; d’après ce dont nous sommes tombés d’accord il en est nécessairement ainsi.

« Eh bien donc ! dit-il, regarde, Cébès : voici pourquoi non plus nous n’avons pas eu tort, à ce qu’il me semble, d’en tomber d’accord. Supposons en effet qu’il n’y ait pas une éternelle compensation réciproque b des générations, quelque chose comme un cercle de leur révolution[1] ; mais que la génération aille en ligne droite d’un des contraires vers celui seulement qui lui fait face, et sans retourner en sens inverse

  1. La roue des générations, des naissances et des morts, tourne comme le char qui, pour doubler la piste, contournera la borne. Mais par les purifications l’âme, absoute de ses fautes et régénérée, « s’en-