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PHÉDON

Beau, un Bon, avec tout ce qui a la même sorte de réalité ; si c’est sur elle que nous reportons tout ce qui vient des sens, parce que nous découvrons e qu’elle existait antérieurement et qu’elle était nôtre ; si enfin à la réalité en question nous comparons ces données ; alors, en vertu de la même nécessité qui fonde l’existence de tout cela, notre âme aussi existe, et antérieurement à notre naissance. Supposons au contraire que tout cela n’existe pas, n’est-ce pas en pure perte qu’aura été exposé cet argument ? Oui, est-ce ainsi que se présente la situation ? N’y a-t-il pas une égale nécessité d’existence, et pour tout cela et pour nos âmes[1], avant que nous fussions nés nous-mêmes ? et de la non-existence du premier terme à la non-existence de l’autre ? — Impossible, Socrate, de sentir plus que moi, dit Simmias, ce qu’il y a d’identique en cette nécessité ! Quelle belle retraite pour l’argument, que cette similitude entre l’existence de 77 l’âme auparavant que nous soyons nés, et celle de cette réalité dont tu viens de parler ! Pour ma part, en effet, il n’y a pas d’évidence qui égale celle-ci : tout ce qui est de ce genre a le plus haut degré possible d’existence, Beau, Bon, et tout ce dont encore tu parlais à l’instant. Ainsi, pour ma part, je me satisfais de cette démonstration.


On doit joindre les deux premiers arguments.

— Mais Cébès, lui ? dit Socrate ; car il faut aussi convaincre Cébès. — Il en est satisfait, répondit Simmias ; au moins je le pense, quoiqu’il n’y ait point au monde de douteur plus obstiné à l’égard des arguments[2] ! Le point cependant sur lequel, je crois bien, rien ne manque à sa conviction, c’est qu’avant b notre naissance notre âme existait. Mais est-il vrai qu’après notre mort aussi elle doive exister encore ? Voilà, dit Simmias, ce qui, même à mon sens, n’a pas été démontré. Tout au contraire, en face de nous reste dressée cette opinion commune qu’alléguait tout à l’heure Cébès : qui sait en effet si, au moment précis où l’on meurt, l’âme ne se dissipe pas et si ce n’est pas là pour elle la fin de l’existence ? Car où est l’obstacle ? Elle peut bien naître et se constituer en ayant quelque autre origine, exister

  1. La solidarité de l’âme et des Idées annonce la troisième raison.
  2. Ses interventions déterminent chacun des progrès de la re-