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PHÉDON

l’idée qu’à l’égard de cette recherche j’étais d’une inaptitude à nulle autre pareille !

« Je vais au reste t’en donner une preuve qui suffira. Voici : il y avait des choses dont, même avant, j’avais une connaissance assurée, au moins selon mon sentiment et celui d’autrui ; eh bien ! cette recherche arrivait à produire en moi un si radical aveuglement, que je désapprenais jusqu’à ces choses qu’auparavant je m’imaginais savoir[1] : oui, en voici un exemple entre beaucoup d’autres, jusqu’à la cause qui fait grandir un homme ! Ce qu’auparavant je m’imaginais en effet être clair pour tout le monde, c’est que cette cause est manger et boire. Cela d s’explique : provenant des aliments, des chairs s’ajoutent-elles aux chairs, des os aux os, chacune des autres parties du corps s’accroît-elle ainsi suivant la même loi d’éléments de son espèce ? le résultat est, par la suite, une progression de la masse réelle, de peu à beaucoup ; oui, c’est ainsi que l’homme, de petit devient grand ! Voilà ce qu’à ce moment je m’imaginais : est-ce à juste titre selon toi ? — Selon moi, oui, dit Cébès. — Examine donc encore ceci. Dans mon idée, en effet, il n’y avait rien à redire à mon jugement en présence d’un homme grand placé contre un petit, que c’est de la tête précisément qu’il est plus grand ; de même pour un cheval par rapport à un cheval ; ou, e exemple plus clair encore que les précédents, à l’opinion où j’étais que, si 10 est plus que 8, c’est parce qu’à 8 s’ajoute 2, et que la longueur de deux coudées est plus grande que celle d’une coudée, parce qu’elle surpasse celle-ci de la moitié. — Et à présent, dit Cébès, ton opinion là-dessus ? — Ah ! ma foi, s’écria Socrate, c’est, par Zeus, que je suis loin de me figurer connaître la cause d’aucune de ces choses ! Moi qui ne me résous même pas à dire, quand à une unité on ajoute une unité, si c’est l’unité à laquelle cette adjonction a été faite qui est devenue deux, ou si c’étaient l’unité ajoutée et celle à laquelle elle a été ajoutée qui, 97 par suite de l’adjonction de

    effet la plus sage. — d) Le cerveau était, d’après Alcméon de Crotone, l’organe où aboutissent les sensations, où elles sont conservées et groupées, de façon à constituer enfin une connaissance stable et générale.

  1. Socrate peint l’état d’esprit où l’ont mis les prétendues expli-