Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 1 (éd. Robin).djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
97 c
69
PHÉDON

existe ? ce qu’il y aurait à découvrir à son sujet, c’est selon quoi il est le meilleur pour elle, soit d’exister, soit de subir ou de produire quelque action que ce soit. Or, en partant de cette d idée, il n’y a absolument rien, me dis-je, qu’il soit intéressant pour un homme d’avoir en vue dans la recherche, aussi bien au sujet de cette chose-là qu’à propos des autres, sinon la perfection et l’excellence ; et il est nécessaire que pareillement il ait aussi connaissance du pire, attendu que ce sont les objets d’un même savoir. Ces réflexions donc me comblaient d’aise : je me figurais avoir découvert l’homme capable de m’enseigner la cause, intelligible à mon esprit, de tout ce qui est. Oui, Anaxagore va me faire comprendre si, en premier lieu, la terre est plate ou ronde[1], et, en me le faisant comprendre, il m’expliquera de plus e en détail pourquoi cela est nécessaire : puisqu’il dit ce qui vaut mieux, il dira aussi que, pour la terre, telle forme valait mieux. S’il me dit ensuite qu’elle est au centre, en détail il m’expliquera aussi comment il valait mieux qu’elle fût au centre[2]. Bref, il n’avait qu’à me le révéler, et j’étais tout prêt 98 à ne plus souhaiter d’autre espèce de causalité ! Naturellement, pour le soleil j’étais aussi tout prêt à recevoir cette même sorte d’enseignement, et pour la lune encore, et pour le reste des astres, tant au sujet de leurs vitesses relatives que de leurs retours[3] et de leurs autres vicissitudes ; oui, comment enfin, pour chacun, il vaut mieux produire ou subir en fait ces choses-là. Pas un instant en effet il ne me serait venu à la pensée que, déclarant que tout cela a été mis en ordre par l’Esprit, il eût à ce propos mis en avant une cause autre que celle-ci : la meilleure manière d’être pour tout cela, c’est précisément la manière d’être de tout cela ; du moment donc que la causalité dont il s’agit, il l’attribue b à chacune de ces choses comme à toutes ensemble, il va, je me l’imaginais, expliquer aussi en détail ce qui pour chacune est le meilleur et ce qui est le

  1. Disque supérieur d’un cylindre plus ou moins haut (la plupart des Physiciens) ; ou bien sphère (Pythagoriciens, Parménide).
  2. Opinion attestée de presque tous les Présocratiques, même des Pythagoriciens (cf. 109 a, l’adhésion de Simmias) malgré l’hypothèse du feu central : leur prétendu héliocentrisme est incertain.
  3. Proprement les points où tournent les planètes pour revenir sur leur route, les « solstices » de chacune, soleil compris.