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PHÉDON

demeurerais ; mais vous, vous en jurerez, portez-vous au contraire garants que je ne demeurerai pas quand je serai mort, que bien plutôt je partirai e et m’en irai ! Voilà le moyen de rendre à Criton l’épreuve plus facile à porter, le moyen d’éviter qu’en voyant brûler ou enterrer mon corps, il ne s’irrite pour moi des choses effroyables qu’à son idée j’endure, et qu’au cours des funérailles il ne dise pas non plus : « C’est Socrate que je m’occupe d’exposer ; je le conduis à sa sépulture ; je l’enterre ! » Sache-le bien en effet, reprit-il, mon brave Criton : l’incorrection du langage n’est pas seulement une faute contre le langage même ; elle fait encore du mal aux âmes[1]. Non ! il faut être sans crainte, il faut parler des funérailles de mon corps, et faire ces funérailles 116 comme tu l’aimeras et comme tu estimeras que c’est le plus conforme aux usages. »


Épilogue :
les derniers moments de Socrate.

Cela dit, Socrate se leva, et, pour se baigner, passa dans une autre pièce. Criton le suivit en nous disant de rester. Nous restâmes donc à converser entre nous de ce qui s’était dit et à en reprendre l’examen, non sans nous étendre, alors même, sur la grandeur de l’infortune où nous étions tombés. Vraiment oui, c’était pour nous, à notre jugement, comme la perte d’un père, et nous passerions en orphelins le reste de notre vie ! Quand il se fut baigné b et qu’on eut mené près de lui ses enfants (il en avait deux tout petits, un autre déjà grand[2]), ses parentes arrivèrent aussi[3] ; il s’entretint avec elles en présence de Criton, en leur adressant ses recommandations ; il dit ensuite aux femmes et aux enfants de se retirer et il revint, lui, de notre côté.

Déjà le soleil était prêt de se coucher ; car Socrate avait passé beaucoup de temps en cet endroit. En venant du bain

    ment de l’amende (Apol. 38 b), mais la non-évasion (Criton 44 e).

  1. Formule curieuse de la croyance au pouvoir magique des mots.
  2. Cf. Apol. 34 d : Lamproclès (Xen. Mem. II, 2) était l’aîné ; la donnée de 60 a ruine la tradition qui fait naître d’une autre femme que Xanthippe les deux derniers, Sophronisque et Ménexéne.
  3. Elles ont amené les enfants ; mais Xanthippe semble absente : paisible et résignée, elle ne serait plus celle du début (60 a).