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PHÉDON

a. Dans sa jeunesse il s’est enthousiasmé pour la Physique : c’est qu’elle lui promettait de l’instruire, sur chaque chose, des causes qui en expliquent la production, la disparition, l’existence ; il se passionnait pour les recherches des Physiciens sur l’origine de la vie et la formation de la pensée ; sur les conditions dans lesquelles s’abolit tout cela ; enfin sur la cosmologie. Puis finalement il s’est rendu compte qu’il était aussi peu fait que possible pour ce genre d’études (96 a-c).

Au commencement il avait en effet l’impression de savoir, et on le lui disait ; mais par la suite il se rend compte que cette instruction l’a tellement aveuglé, que le savoir qu’il pensait avoir acquis lui échappe. Il s’imaginait connaître par exemple le pourquoi de la croissance d’un homme, en alléguant pour cause qu’il mange, boit, et que sa masse grossit par la réunion des chairs aux chairs, des os aux os, etc. ; le pourquoi de la supériorité de taille d’un homme sur un autre : parce qu’il a la tête de plus ; le pourquoi de l’excès de 10 sur 8 : parce qu’il s’y ajoute deux unités, etc. Or, voici que de telles explications lui semblent ne rien expliquer du tout. Essaie-t-on d’expliquer de cette manière la production du 2, en disant qu’il résulte de l’addition de 1 à 1 ? Mais quelle est la cause qui amène à l’existence cette chose nouvelle ? Il se demande si c’est la première unité, ou bien la seconde ; et, au cas où ce serait la juxtaposition des deux, pourquoi l’opération inverse, par laquelle on partage l’unité, est également capable de produire la génération du 2. Bref, en suivant cette voie de la recherche[1], il n’arrive à rien qui le satisfasse : pour ses yeux aveuglés la méthode des Physiciens semble incapable de résoudre le problème de la Physique ; il continue cependant de chercher, mais c’est par lui-même, sans guide, et au petit bonheur (96 c-97 b).

C’est alors qu’il entend lire (cf. p. 68, n. 2) un passage d’un livre d’Anaxagore où il est question d’un Esprit intelligent, l’ordonnateur et la cause de toutes choses. À l’inverse

  1. Qui consiste à donner, en guise d’explication, des constatations et des descriptions, bref à nous amuser avec des histoires ou des fables, qui prétendent valoir par elles-mêmes au lieu d’être, comme les mythes de Platon, des extensions de l’explication rationnelle, l’histoire probable de ce qui n’est pas, mais devient. Cf. Soph. 242 c sqq.