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NOTICE

parle, elles le sont en vue du bien, en vue d’une fin spécifique qui est la destinée des âmes après la mort (113 d-114 c). Ce qu’il y a à cet égard de remarquable dans le mythe du Phédon, c’est la façon dont il décompose la terre réelle, plaçant le domaine des œuvres de vie entre une région périphérique et presque céleste, celle des récompenses, et une région intérieure et centrale, celle des expiations. Cette dernière est le royaume d’Hadès : tous les morts y sont jugés ; mais ceux-là seuls y restent qui ont une peine à subir. Les justes, les saints, les philosophes la quittent aussitôt après le jugement pour gagner le séjour où, sans avoir cependant quitté la terre, ils mèneront près des Dieux et avec leurs égaux la vie bienheureuse (cf. p. 86, n. 5 ; p. 96, n. 3 ; p. 97, n. 1). Cette existence, telle que la décrit le Phédon comme une béatitude actuelle, ressemble singulièrement à cet Âge d’or que, d’après le Politique, toute l’humanité a connu jadis au temps de Cronos (cf. p. 90, n. 2), alors que l’ordre établi par Dieu n’avait pas encore été bouleversé et qu’elle ignorait le mal et la mort. Ainsi la division de la terre en ses trois régions serait comme une manifestation de la déchéance et de la perversion générales : c’est pourquoi aussi la vertu est devenue un effort difficile, et la vie du Sage, une vie de mortification.

Conduits par leur Génie individuel, les trépassés (cf. 107 d)[1] arrivent au lieu où ils doivent être jugés. Le jugement les répartit en cinq catégories. D’abord deux grandes classes : l’une de ceux qui ont bien et saintement vécu, et qui paraît comporter deux degrés dont le plus haut appartient aux philosophes ; l’autre de ceux dont la vie n’a pas été telle. À son tour cette seconde classe se subdivise en trois : ceux dans la conduite desquels le mal et le bien se sont mêlés ; les pécheurs dont les fautes admettent la possibilité d’une expiation rédemptrice ; enfin les auteurs de crimes inexpiables.

Après le jugement, les justes, n’ayant plus de raison d’être assujettis à l’emprisonnement des lieux infernaux, s’en vont donc habiter leur Paradis, dont la plus belle partie est réservée à ceux qui, par une vie philosophique, ont réalisé en eux une purification parfaite ; à propos d’eux seuls il est parlé

  1. « Les trépassés », dit Platon 113 a, au lieu de dire « leurs âmes ».