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LE BANQUET

dieux, dans leur extrême admiration, lui ont donné des honneurs éminents, pour s’être fait ainsi de ce que vaut l’amant une si grande idée.

“Or Eschyle radote quand il fait d’Achille l’amant de Patrocle[1], lui qui était plus beau, non seulement que Patrocle, mais aussi, on le sait, que tous les héros ensemble, qui n’avait pas encore de barbe au menton : plus jeune de beaucoup par conséquent, ainsi que le dit Homère. En fait au contraire, s’il est réel que les dieux estiment au plus haut point cette sorte de mérite qui se rapporte à l’amour, il y a pourtant un degré de plus dans leur admiration, b leur haute estime et leurs faveurs, quand il s’agit de la tendresse de l’aimé pour l’amant au lieu de celle de l’amant pour ses amours : c’est qu’un amant est chose plus divine que le bien-aimé, car il est possédé du dieu ; voilà pour quelle raison aussi, plus qu’Alceste, Achille a été traité par eux avec honneur quand ils l’ont envoyé aux Îles des Bienheureux.

“En résumé donc, mon opinion est que l’Amour est, entre les dieux, celui qui a, et le plus d’ancienneté, et la plus haute dignité, et le plus d’autorité pour mener les hommes à la possession du mérite et du bonheur, tant qu’ils vivent et une fois qu’ils sont morts.”


Discours de Pausanias.

c Tel fut, à peu près, le discours que, d’après Aristodème, prononça Phèdre. Après celui de Phèdre, il y en eut d’autres dont il n’avait pas gardé entièrement le souvenir. Il les laissa donc de côté pour me raconter le discours de Pausanias, et voici quel fut le langage de celui-ci : « “Il ne me semble pas, Phèdre, que le sujet nous ait été proposé comme il fallait, avec ce mot d’ordre sans réserve : célébrer les louanges de l’Amour. Si en effet l’Amour était unique, ce serait fort bien ; mais, voilà, il n’est pas unique ; et, du moment qu’il n’est pas unique, il sera, pour commencer, plus correct d’avoir expliqué au préalable de quelle sorte est d celui dont on doit faire l’éloge. Ce que j’essaierai donc de faire, c’est d’effectuer la correction du sujet, d’abord en exposant de quel Amour il faut faire l’éloge, ensuite en prononçant un éloge qui soit digne de ce dieu.

  1. Eschyle Myrmidons (fr. 135 N.²) et, d’autre part, Il. XI 786. Les