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xiv
PHÈDRE


Deux célébrités principales en cause.

Mais il y a dans le Phèdre, derrière les deux interlocuteurs, deux autres personnages dont la muette présence y est capitale ; ils en sont les deux pôles ; Lysias, dès le commencement, Isocrate, seulement à la fin[1]. Pour des raisons que je dirai plus tard (p. clxxiii sq.), la figure prépondérante me paraît être cependant la seconde. Pour le moment, nous pouvons les mettre toutes deux sur le même plan et réunir ici à leur sujet quelques données historiques et littéraires indispensables.


Lysias.

Lysias nous est présenté dans le Phèdre sous un double aspect : c’est un maître de rhétorique et qui compose des discours épidictiques, modèles sur lesquels on faisait étudier aux élèves la technique de la composition ; c’est aussi un logographe, qui écrit des plaidoyers que les parties, demanderesses ou défenderesses, récitent devant le tribunal[2]. L’auteur de la Vie des dix orateurs, faussement attribuée à Plutarque, est surtout abondant et précis, ainsi qu’il arrive souvent, à propos de ce qu’il sait sans doute le moins bien, c’est-à-dire de l’activité de Lysias en tant que rhéteur : « Il a composé aussi, dit-il (836 b), des Arts de la parole, des Discours politiques, des Lettres, des Éloges (Encômia), des Oraisons funèbres, des Discours sur l’amour, une Apologie de Socrate… » Or on peut présumer que les « philologues » de l’Antiquité n’étaient riches là-dessus que de conjectures : celui-ci, au surplus, n’avoue-t-il pas (836 a) que la moitié à peu près de toute l’œuvre attribuée à Lysias est inauthentique ? Au reste, c’est une question que nous retrouverons à propos du discours de Lysias dans le Phèdre (p. lx sqq.). Notons seulement ici que toute cette production rhétorique, vraie ou fausse, de Lysias est en

  1. Diogène Laërce (VI 15) parle d’un écrit d’Antisthène qui pouvait être également un parallèle de Lysias et d’Isocrate (cf. Banquet, Notice p. xli, n. 2) ; si en effet il s’agit, dans cet écrit, de l’Amartyros d’Isocrate que nous avons conservé, on sait que Lysias défendait la partie adverse (Clément d’Alexandrie, Strom. VI 626 ; cf. G. Mathieu, Isocrate I, p. 5, Coll. Budé).
  2. Pour le second point 257 bc (p. 56, n. 2), 277 a ; pour le premier 227 a et c, 228 ab, 272 c.