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NOTICE

qu’une déclaration si solennelle puisse se rapporter au discours que Socrate va prononcer sur le thème sophistique de l’amour sans amour : pourquoi parlerait-il de sources étrangères, si elles ne l’étaient en effet à l’inspiration même du thème en question et, par conséquent, impropres à donner, fût-ce sous une forme plus épurée, une eau dont la nature n’aurait point changé ? C’est donc que Socrate sent déjà vaguement qu’il serait en état, puisant à ces sources étrangères, d’opposer au discours de Lysias un autre discours, dont le fond cette fois serait différent. Tel est, je crois, le sens de ce qu’il affirme en se disant prêt à soutenir, sans infériorité, le parallèle (235 c mil.). Il y a donc dans ce passage l’annonce du second discours.

Mais Phèdre n’a pas compris[1] : c’est la rhétorique seule

    divine » et, dans le mythe de l’attelage ailé, il montrera (248 a) le cocher élevant la tête pour contempler les Idées ; c’est une façon de dire qu’il y a des activités affectives inférieures, puis moyennes et psychiques, des activités supérieures enfin et qui nous mènent à ce qui nous dépasse.

  1. Cf. p. 17, n. 1. — À 236 c déb., il ne s’agit pas proprement de « se renvoyer la balle ». Hermias, qui d’ailleurs voit bien le sens, donne à l’appui de son interprétation un exemple qui conviendrait mieux à la précédente : une phrase de l’un des interlocuteurs « Je t’ai donné cela », renvoyée à celui-ci par l’autre, sans y rien changer dans sa réplique (p. 46, 8-15). Mais, puisqu’il s’agit d’une comédie, il y a plutôt ici un échange des rôles : la contrainte que Socrate a tout à l’heure exercée sur Phèdre, c’est Phèdre qui va maintenant l’exercer sur Socrate ; le rôle devenant le même, il est naturel que les termes ne changent pas non plus. — Au même endroit, la plupart des éditeurs suspectent ou suppriment le mot grec que j’ai traduit par « Gare à toi ! » (εὐλαβήθητι), ainsi que le δέ qui, dans T, suit ἵνα. C’est aussi l’avis de M. Méridier. On en donne pour raison que la phrase se rattache étroitement à ce qui précède : Tu n’as plus qu’à parler… afin que nous n’en soyons pas réduits à… ; le δέ aurait donc été ajouté par quelqu’un à qui cette relation étroite aurait échappé. L’idée importante, au contraire, me paraît être ici que Socrate devra parler comme il pourra, et c’est sur ces mots qu’il faut achever la pensée. Au μέν, qui accompagne l’obligation de parler tant bien que mal, s’oppose maintenant le δέ : Mais, s’il ne le fait pas, il n’a qu’à se tenir sur ses gardes et à ne pas volontairement s’exposer à… De plus, l’impératif : Ne va pas… (μὴ βούλου) justifie l’autre impératif : Tiens toi sur tes gardes… Je conserve donc εὐλαβήθητι.