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EUTHYDÈME

temps aux disputes ? Ils font semblant de chercher la vérité, mais tout aussitôt ils essaient de mentir… Ils en sont venus à ce degré d’impudence qu’ils tentent de persuader aux jeunes gens qu’ils sauront en les fréquentant ce qu’il convient de faire, et grâce à cette science trouveront le bonheur… », etc.

Il est vrai que la phrase présentée par Platon comme une citation presque littérale (304 c)[1] ne se retrouve pas dans l’œuvre d’Isocrate. Mais elle pouvait se lire soit dans un écrit aujourd’hui perdu[2], soit dans un passage disparu d’un des écrits conservés, notamment à la fin du discours Contre les sophistes[3], que l’on s’accorde généralement à tenir pour mutilé[4]. Il se peut encore que Platon reproduise une déclaration orale de son adversaire.

Que le portrait de l’inconnu puisse s’appliquer à Isocrate, ce n’est sans doute pas une preuve que ce dernier y soit effectivement visé. Cette identification est pourtant la plus vraisemblable de toutes celles qui ont été proposées : elle ne soulève aucune des objections qu’on peut faire aux autres, et en dehors de l’Euthydème elle paraît confirmée par de nombreux indices.


Isocrate et Platon

Si nous manquons de témoignages sur les rapports personnels de Platon et d’Isocrate[5], il est certain qu’entre leurs doctrines existait une opposition fondamentale : leurs écrits

  1. Il est douteux que les mots τοῖς ὀνόμασι dont se sert Platon (304 e) s’appliquent au style, comme l’a soutenu P. Shorey (Class. Philology, 1922, p. 261-2), au lieu d’annoncer une citation littérale. Isocrate se sert à plusieurs reprises du mot ληρεῖν (cf. Euthyd., 304 e ληρούντων) pour des discoureurs qu’il méprise ; p. ex. Panathén., 235 a.
  2. Denys d’Halicarnasse attribuait à Isocrate 25 discours, Cécilius 28, et il ne nous en reste que 21 (Pseudo-Plutarque, 838 d).
  3. Raeder, o. l., p. 145 ; hypothèse déjà avancée par Dümmler, Kleine Schriften, I, 128.
  4. Wilamowitz le conteste pourtant, o. l., p. 112, après Hagen ; et Ritter (Platon, sein Leben, seine Schriften, seine Lehre, I, p. 213 et suiv.) rejette l’hypothèse avec un dédain ironique.
  5. Le seul que nous trouvions chez les anciens est fourni par Diogène de Laërte : il affirme (III, 8) que les deux hommes étaient unis d’amitié ; Praxiphane, ajoute-t-il, a consigné l’entretien sur les