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EUTHYDÈME

téristique qu’il persiste à ranger Platon dans la même catégorie que les éristiques du genre d’Euthydème et Dionysodore[1], et qu’il lui applique la même définition. Il joint à eux et enveloppe dans le même mépris un troisième groupe d’adversaires : « ceux qui nient la possibilité de parler faux, de contredire, et de soutenir sur les mêmes objets deux thèses opposées », c’est-à-dire Antisthène et ses partisans[2]. À se voir dédaigneusement confondu avec ces éristiques dont il se séparait lui-même, et avec Antisthène dont il rejetait les doctrines, Platon dut éprouver une irritation d’autant plus vive qu’Isocrate n’était sans doute pas le seul à commettre cette méprise, inconsciente ou non. En plaçant à la fin de l’Euthydème l’entretien de l’inconnu avec Criton et les réflexions dont il le fait suivre, il a voulu montrer quelle importance il attachait à dissiper toute équivoque. Que sa dialectique n’ait rien de commun avec celle des éristiques, toute la discussion en a fourni la preuve. Certains s’obstinent pourtant à le nier, et à jeter la même déconsidération sur l’une et l’autre. Platon leur riposte en mettant en scène le plus illustre d’entre eux, pour arriver à l’objet même de son ouvrage, à cette conclusion que la philosophie, telle qu’il l’entend et la pratique, est la seule méthode d’éducation recommandable pour la jeunesse, car elle est la condition même du bonheur. En même temps, il ramène à son vrai rang son adversaire, qui prétendant tenir le milieu entre le philosophe et le politique, est, dans la réalité, inférieur à l’un et à l’autre. Mais, désireux de faire voir qu’il garde assez de sérénité pour ne pas lui refuser toute valeur, il termine par quelques mots de condescendance : « Il faut pardonner à ces gens-là leur ambition, sans s’irriter contre eux… On doit faire bon accueil à quiconque montre dans ses propos la moindre parcelle de bon sens (φρονήσεως). » Or l’acquisition que recherche la φιλοσοφία professée par Isocrate est précisément la φρόνησις, c’est-à-dire le bon sens qui s’attache aux opinions justes[3]. La concession faite par Platon est d’ailleurs fort mince, et ressemble beaucoup plus à un sarcasme qu’à un éloge.

  1. Hélène, début.
  2. id.
  3. Échange, 272.