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EUTHYDÈME

est vrai que tu les saches toutes ? » Il en convint encore. « Eh bien, dit l’autre, n’apprends-tu pas, toi, ce qu’on récite, et est-ce celui qui ne sait pas les lettres qui apprend ? » — « Non, dit-il, c’est moi qui apprends[1]. » — « Tu apprends donc, dit-il, ce que tu sais, s’il est vrai que tu saches b toutes les lettres ? » Il le reconnut. « Tu n’as donc pas bien répondu », dit l’autre.

Euthydème n’avait pas achevé que Dionysodore, rattrapant la parole comme une balle, prenait encore le jeune garçon pour cible : « Euthydème, dit-il, te trompe, Clinias. Dis-moi en effet. Apprendre, n’est-ce pas acquérir le savoir de ce qu’on apprend ? » Clinias le reconnut. « Et savoir, dit l’autre, n’est-ce pas posséder déjà un savoir ? » Il le lui accorda. « Par conséquent, ne pas savoir, c c’est ne pas encore posséder de savoir ? » Il en convint. « Ceux qui font une acquisition quelconque sont-ils ceux qui possèdent déjà, ou ceux qui ne possèdent pas ? » — Ceux qui ne possèdent pas. — Tu es donc d’accord pour ranger ceux qui ne savent pas au nombre de ces derniers, je veux dire de ceux qui ne possèdent pas ? » Il fit un signe d’assentiment. « C’est donc parmi ceux qui acquièrent que se rangent ceux qui apprennent, et non parmi ceux qui possèdent ? » Il approuva. « Alors, dit-il, ce sont ceux qui ne savent pas qui apprennent, Clinias, et non ceux qui savent. »


Intervention de Socrate.

De nouveau Euthydème, pour terrasser le jeune homme, d le provoquait comme à un troisième corps à corps[2]. Et moi, voyant notre garçon en train de couler, je voulus lui donner du répit, de peur qu’il ne perdît courage. Pour le rassurer, je lui dis : « Ne t’étonne pas, Clinias, si ces façons d’argu-

  1. Clinias prend le mot μανθάνειν au sens habituel (apprendre) ; Euthydème (comme l’expliquera Socrate 278 a), au sens plus rare de comprendre. À Clinias disant : « On apprend ce qu’on ne sait pas », Euthydème réplique : « On comprend ce que l’on sait. » Sur quoi, Dionysodore, rendant à μανθάνειν sa valeur habituelle, va démontrer : « Ce sont ceux qui ne savent pas qui apprennent, et non ceux qui savent déjà. »
  2. La discussion est assimilée à une lutte véritable (πάλη), où, pour être proclamé vainqueur, l’athlète devait avoir terrassé (καταβάλλειν) trois fois l’adversaire.