293 d EUTHYDÈME 177
comme on dit, dans tes paroles l — comment doncsuis-je ins- truit de cette science que nous cherchions ? Comme apparem- ment il est impossible au même d'objet d'être à la fois et de ne pas être, si je sais une chose, je sais tout ; car je ne saurais être en même temps savant et ignorant ; et puisque je sais tout, je possède aussi cette science-là. Est-ce ainsi que tu l'en- tends, et sont-ce là tes finesses ? e « Toi-même, Socrate, voilà que tu te réfutes 2 », dit-il.
« Mais toi, Euthydème, repris-je, le même accident ne t'est-il pas arrivé ? C'est qu'avec toi et Dionysodore, cette chère tête 3 que voici, je subirais, pour ma part, n'importe quel sort sans m'en plaindre le moins du monde. Dis-moi, n'y a-t-il pas, vous deux, des choses que vous savez, et d'autres que vous ne savez pas ? »
« Point du tout, Socrate », dit Dionysodore.
« Que voulez-vous dire ? repris-je. Alors, vous ne savez Tien ? »
« Si fait », dit-il.
294 a « Par conséquent, dis-je, vous savez tout, puisque vous
savez si peu que ce soit ? »
« Tout, dit-il ; et toi de même, si tu sais la moindre chose, tu sais tout.
« Zeus ! dis-je, le bien admirable et précieux qui nous a été révélé, à t'en croire ! serait-ce que tous les autres hommes savent tout, eux aussi, ou ne savent-ils rien ? »
a Ils ne peuvent évidemment, dit-il, avoir telles connais- sances à l'exclusion de telles autres, et être à la fois savants et ignorants. »
« Qu'est-ce enfin ? » demandai-je.
« Tous, dit-il, savent toutes choses, s'ils en savent une ». b « Par les dieux ! dis-je, Dionysodore — je vois bien à pré- sent que vous êtes sérieux, et je vous ai, non sans peine,
tente de donner à une notion relative une valeur absolue. D'où la réserve formulée par Socrate, qui prévoit le sophisme.
1. C'est-à-dire : voilà de bonnes nouvelles ! — Socrate se reporte au raisonnement d'Euthydème (« N'es-tu pas forcé de tout savoir, si tu es savant ? »), et en dégage ironiquement la conclusion.
2 . Après avoir dit plus haut : « Il y a beaucoup de choses que j'ignore », Socrate paraît maintenant admettre qu'il sait tout.
3. Expression homérique, qui a passé dans la tragédie. Cf. Gor- gias, 5i3 c : « ô chère tête» , dit Socrate à Calliclès.
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