296 d EUTHYDÈME 182
dème ', si réellement tu dis vrai ! Mais je ne suis pas absolu- ment sûr que tu en sois capable, à moins que la volonté de ton frère, Dionysodore ici présent, ne se joigne à la tienne. En ce cas, tu le pourras peut-être. Mais dites-moi tous deux : e si je ne vois pas en général le moyen de contester contre vous, dont la sagesse est si prodigieuse, le caractère universel de mon savoir, puisque vous l'affirmez, voici pourtant des cas particuliers : comment puis-je prétendre, Euthydème, savoir que les honnêtes gens sont injustes 2 ? Allons, parle : le sais-je, oui ou non? »
a Tu le sais assurément », dit-il.
« Quoi? » dis-je.
« Que les honnêtes gens ne sont pas injustes. »
297 a « Parfaitement, dis-je, depuis longtemps. Mais ce n'est
pas ma question : que les honnêtes gens sont injustes, où l'ai-je donc appris ? »
« Nulle part », répondit Dionysodore.
« Alors, repris-je, voilà une chose que je ne sais pas. »
« Tu gâtes le raisonnement, dit Euthydème à Dionyso- dore : notre homme va faire l'effet de ne pas savoir, et appa- raître à la fois savant et ignorant. » Là-dessus, Diony- sodore se mit à rougir.
« Mais toi-même, repris-je, que veux-tu dire, Euthy- b dème ? Ne donnes-tu pas raison à ton frère, lui qui sait tout?
« Suis-je donc frère d'Euthydème 8 ? » se hâta de dire Dio- nysodore.
Et moi : « Attends, mon bon, lui dis-je, qu'Euthydème m'ait appris comment je sais que les honnêtes gens sont injustes : ne m'envie pas cette leçon. »
« Tu prends la fuite, Socrate, s'écria Dionysodore, et tu refuses de répondre. »
raisonnement, fondé sur la distinction de àrcavTa et rcavxa, n'est qu'un trompe-l'œil.
1. IIoXuTi'fxï]To; est en général une épithète appliquée aux dieux.
2. Socrate pose à son adversaire une question absurde à dessein. Fidèle à ses conclusions, le sophiste répond affirmativement. Puis, quand Socrate lui demande de préciser, il s'empresse — mais trop tard — de dire le contraire.
3. Voyant son frère en danger, Dionysodore, pour faire diversion, tente d'amorcer un nouveau sophisme.
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