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CRATYLE

pour la douceur et la facilité de son caractère (to léïon tou êthous) qu’elle a été appelée Lêtho par b ceux qui lui donnent ce nom. Pour Artémis, c’est l’intégrité (to artémés) et la décence que son nom paraît signifier, à cause de son amour de la virginité. Peut-être aussi est-ce experte en vertu (arétês histôr) que la déesse a été appelée par l’auteur du nom ; ou bien il voulait dire qu’elle a pris en horreur la fécondation (aroton misêsasês) de la femme par l’homme. C’est pour une de ces raisons ou pour toutes ensemble que ce nom a été donné à la déesse par celui qui l’a établi.

Hermogène. — Et Dionysos et Aphrodite ?

Socrate. — Graves questions, fils d’Hipponicos ! En fait, c’est dans un sens à la fois sérieux et plaisant que leurs noms ont été donnés c à ces dieux. L’intention sérieuse, demande-la à d’autres ; quant à la plaisante, rien n’empêche de l’exposer : les dieux aussi aiment le badinage. Dionysos serait celui qui donne le vin (ho didous ton oïnon), appelé Didoïnusos par manière de plaisanterie. Et le vin (oïnos), parce qu’il donne à la plupart des buveurs l’illusion d’avoir la raison dont ils manquent, serait à fort bon droit appelé oïonous (qui fait croire qu’on a de la raison). Quant à Aphrodite, il ne vaut pas la peine de contredire Hésiode, et il faut lui accorder que c’est pour être née de l’écume (aphros) qu’elle a été nommée d Aphrodite[1].

Hermogène. — Mais en ta qualité d’Athénien, Socrate, tu n’oublieras pas non plus Athéna, ni Héphaïstos et Arès[2].

Socrate. — Non, ce ne serait pas naturel.

Hermogène. — En effet.

Socrate. — L’autre nom de la déesse, il n’est pas difficile d’en dire la raison.

Hermogène. — Lequel ?

Socrate. — C’est Pallas, n’est-ce pas ? que nous l’appelons.

Hermogène. — Évidemment.

Socrate. — En faisant venir ce nom de la danse en armes, e nous serions, je crois, dans le vrai. Car s’élever soi-même en l’air ou élever autre chose, soit en partant de terre,

    ἐθέλω. Osthoff (Boisacq, Dict. étym., p. 555, s. v.) le rattache à λανθάνω. Cf. plus loin Ληθώ.

  1. Cf. Théogonie, v. 195-197.
  2. Athéna, on le sait, était la protectrice particulière d’Athènes.