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CRATYLE

suite (diôxis) que mène l’âme, cherchant à savoir la nature des choses, soit au coup parti de l’arc (toxon). C’est plutôt, semble-t-il, cette explication[1]. En tout cas, la croyance (oïêsis) s’accorde avec elle. C’est en effet l’élan (oïsis[2]) c de l’âme vers l’objet, pour connaître la qualité de chaque être, que le nom paraît indiquer, de même que la volonté (boulê) désigne le jet (bolê) et que boulesthaï (vouloir) signifie éphiesthaï (tendre vers) comme aussi bouleuesthaï (délibérer). Tous ces mots, à la suite de doxa, semblent figurer le jet (bolê), de même qu’inversement l’irréflexion (aboulia) paraît être le fait de manquer le but (atukhia), en tant que l’on ne frappe (ou balôn) ni n’atteint (ou tukhôn) ce qu’on cherchait à frapper, ce qu’on voulait, l’objet d’une délibération et d’une aspiration.

Hermogène. — Tu te mets là, Socrate, il me semble, d à accumuler les explications !

Socrate. — C’est que l’inspiration de la divinité touche à sa fin[3]. En tout cas, je veux encore expliquer le nom d’anankê (nécessité) — car il fait suite à ceux-là — et celui d’hékousion (volontaire). Pour hékousion, c’est ce qui cède et ne résiste pas, mais, je le répète, cède au mouvement (éïkonionti), — j’entends : le mouvement volontaire[4] — qui doit avoir été désigné par ce nom. Le nécessaire (anankaïon) et le résistant, étant contraire à la volonté, concernera l’erreur et l’ignorance ; il est assimilé au trajet par les ravins (ankê), où des endroits difficiles, raboteux et touffus e arrêtent la marche[5]. C’est de là, sans doute, qu’il a tiré son appellation d’anankaïon, ayant été comparé à un trajet par le ravin. Mais, tant que nous avons la force, ne la laissons pas relâcher. Toi-même, tiens bon et questionne.

  1. C’est-à-dire la seconde, comme le montre la suite.
  2. Platon forge le mot d’après οἰστός (trait), en le tirant de φέρω (οἴσω).
  3. Cette phrase a été entendue de diverses façons par les commentateurs, et l’on a proposé des corrections. Malgré la concision de la formule, le sens paraît clair. Socrate veut dire qu’il sent arriver à son terme l’ « inspiration divine » que lui a communiquée Euthyphron.
  4. Or Socrate a expliqué un peu plus haut βουλή (volonté) par βολή (jet), rattachant ainsi cette notion à celle du mouvement.
  5. Ἀνάγκη, c’est la nécessité, qui contrarie l’élan de la volonté, donc le mouvement. Socrate l’explique par ἀνά (le long de) et ἄγκη (ravins).