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CRATYLE

Hermogène. — Voilà, je crois, Socrate, ce que nous cherchons depuis longtemps : ce sera l’homme capable de dénommer.

Socrate. — Si c’est vrai, il faut désormais, semble-t-il, examiner ces noms dont tu demandais l’explication : rhoê (courant), iénaï (aller) et skhésis (empêchement), pour voir si, oui ou non, au moyen de leurs lettres et de leurs syllabes, l’auteur se saisit de leur être, de manière à b en imiter l’essence ?

Hermogène. — Parfaitement.

Socrate. — Eh bien, voyons si ce sont là les seuls noms primitifs, ou s’il en existe encore beaucoup d’autres.

Hermogène. — Je crois qu’il y en a encore d’autres.


La méthode à suivre.

Socrate. — C’est probable. Mais comment distinguer ce qui sert de point de départ à l’imitation de l’imitateur ? Puisque c’est avec des syllabes et des lettres que se fait l’imitation de l’essence, le procédé le plus juste n’est-il pas de distinguer d’abord les éléments ? Ainsi font ceux qui s’attaquent c aux rythmes ; ils commencent par distinguer la valeur des éléments, puis celle des syllabes, et c’est alors, mais alors seulement, qu’ils abordent l’étude des rythmes.

Hermogène. — Oui.

Socrate. — Ne devons-nous donc pas, nous aussi, distinguer d’abord les voyelles ; puis, dans le reste, classer par espèces les éléments qui ne comportent ni son ni bruit (les muettes[1]) — c’est ainsi que disent les connaisseurs en ces matières — ; puis passer aux éléments qui, sans être des voyelles, ne sont pourtant pas des muettes, et, dans les voyelles elles-mêmes, discerner les différentes espèces ? Quand nous aurons fait d ces distinctions, il nous faut, à leur tour, distinguer correctement tous les êtres qui doivent recevoir des noms, en cherchant s’il est des catégories auxquelles ils se ramènent tous, comme les éléments, et d’après lesquelles on peut à la fois les voir eux-mêmes et reconnaître

  1. Cf. Philèbe, 18 bc, où Platon distingue 1o les voyelles (τὰ φωνήεντα) ; 2o ce qui participe non du son, mais du bruit (τὰ φωνῆς μὲν οὔ, φθόγγου δὲ μετέχοντά τινος), les demi-voyelles, appelées plus loin τὰ μέσα ; 3o τὰ ἄφωνα, ou τὰ ἄφωνα καὶ ἄφθογγα : ce qui n’a ni