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CRATYLE

tous, ou pour la plupart, semblables aux objets, c’est-à-dire appropriés ; et la plus laide, dans le cas contraire. Mais d dis-moi encore après cela : quelle vertu nous font voir les noms, et quel bon effet devons-nous leur attribuer ?


La vertu propre des noms.

Cratyle. — C’est d’enseigner, à mon avis, Socrate, et on peut dire absolument que, quand on sait les noms, on sait aussi les choses.

Socrate. — Sans doute veux-tu dire, Cratyle, que quand on saura de quelle nature est le nom — et il est de même nature que l’objet —, du même coup l’on connaîtra aussi l’objet, puisqu’il se trouve être semblable au nom, et qu’à ce compte il n’existe qu’une seule et même science e pour toutes les choses semblables entre elles. Telle est, je crois, ta pensée, quand tu dis que celui qui connaîtra les noms connaîtra aussi les choses.

Cratyle. — Rien de plus vrai.

Socrate. — Or çà, voyons quelle peut bien être cette manière dont tu parles maintenant d’enseigner les choses qui sont. En existe-t-il encore une, inférieure toutefois à celle-là, ou n’y en a-t-il pas d’autre ? quel est ton avis ?

Cratyle. — 436 Moi, je crois qu’il n’en existe absolument pas d’autre, et que celle-là est à la fois la seule et la meilleure.

Socrate. — Et la découverte de ce qui est, se confondra-t-elle aussi avec elle ? En découvrant les noms, aura-t-on découvert aussi les objets désignés par les noms ? Ou bien recherche et découverte doivent-elles se faire d’une autre façon, tandis qu’on apprendra de cette manière[1] ?

Cratyle. — Recherche et découverte doivent se faire absolument de cette même manière dans les mêmes conditions.


Les noms risquent de tromper.

Socrate. — Voyons, Cratyle, réfléchissons. Si, dans la recherche des choses, on prend les noms pour guides, en b examinant le sens de chacun d’eux, réfléchis-tu qu’on court grand danger de se tromper ?

  1. La connaissance toute faite (μαθεῖν) des choses par les noms, connaissance qui n’implique ni contrôle ni enquête, est nettement distinguée de la recherche (ζητεῖν καὶ εὐρίσκειν) personnelle (cf. αὐτοὺς