ce qui diffère d’elles et leur est étranger indiquera un objet différent et étranger, et non pas ces choses-là.
Cratyle. — Tu me parais avoir raison.
Socrate. — 439 Un instant[1], par Zeus ! Et les noms, n’avons-nous pas reconnu à plusieurs reprises que, quand ils sont bien établis, ils ressemblent aux objets qu’ils désignent et sont les images des choses ?
Cratyle. — Oui.
Socrate. — Si donc on peut acquérir par les noms une connaissance des choses aussi parfaite que possible, et si on le peut aussi par les choses elles-mêmes, quelle sera, de ces deux formes de connaissance, la plus belle et la plus exacte ? Est-ce de l’image qu’il faudra partir pour apprendre, en l’étudiant en elle-même, si la copie est bonne, et connaître en même temps la vérité dont elle est l’image ? Ou est-ce de la vérité, pour la connaître en elle-même, et voir à la fois b si son image a été convenablement exécutée ?
Cratyle. — C’est de la vérité qu’il faut nécessairement partir, à mon avis.
Socrate. — Connaître de quelle manière on doit apprendre ou découvrir les choses qui sont est peut-être au-dessus de mes forces et des tiennes[2]. Contentons-nous de convenir que ce n’est pas des noms qu’il faut partir, mais qu’il faut et apprendre et rechercher les choses en partant d’elles-mêmes bien plutôt que des noms.
Cratyle. — Apparemment, Socrate.
Socrate. — Prenons garde encore que tous ces noms de même tendance ne réussissent à c nous induire en erreur, si vraiment leurs auteurs les ont établis dans l’idée que tout est en proie à un mouvement et un écoulement perpétuels — car à mon avis, ils avaient, eux aussi[3], cette idée —, et si, d’aventure, loin que les choses se passent ainsi, c’est eux qui
- ↑ La locution ἔχε δή, qu’on trouve plusieurs fois chez Platon, marque comme une pause dans le raisonnement, en appelant sur ce qui va suivre l’attention de l’interlocuteur.
- ↑ Platon a voulu seulement, sur un point particulier, dégager les abords du problème de la connaissance. Ce problème fondamental, il ne l’examinera que plus tard. Mais il a déjà réfléchi aux conditions dans lesquelles il doit être posé.
- ↑ C’est-à-dire : comme ceux qui plus tard ont expressément formulé et développé cette théorie.