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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/12

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VI
INTRODUCTION

achever sa féconde vieillesse, sont la République et les Lois. Or, à elles seules, même sans y ajouter le Politique ni la Lettre VII, elles comptent exactement autant de pages qu’en comptent ensemble onze grands dialogues classiques : Apologie, Protagoras, Charmide, Gorgias, Ménon, Cratyle, Banquet, Phédon, Phèdre, Théétète, Timée.

Fils d’une famille riche et illustre, élève des Sophistes comme à peu près tous les jeunes gens de son monde, élève de Socrate comme le furent avant lui son cousin Critias, son oncle Charmide et leur ami Alcibiade, Platon était naturellement destiné à la politique et s’y portait de tout son désir. L’époque était pleine de troubles : de son adolescence à sa trentième année, de quels spectacles il fut témoin ! Le départ triomphal de l’expédition de Sicile et son issue désastreuse ; l’ennemi aux portes d’Athènes ; la démocratie renversée et l’oligarchie des Quatre-Cents prête à traiter avec Lacédémone ; l’énergie d’Athènes se réveillant pour chasser les Quatre-Cents et laisser le pouvoir à une sage combinaison d’oligarchie et de démocratie ; Alcibiade, Théramène et Thrasybule reconquérant l’Hellespont, puis le Bosphore, et l’empire athénien se reconstituant en même temps que la concorde intérieure ; puis la défaite navale de Notium, le nouvel exil d’Alcibiade, la victoire des Arginuses déshonorée par le honteux procès des généraux, la flotte athénienne anéantie par surprise à Aegospotamoi, et Lysandre entrant à pleines voiles dans le Pirée à la tête de la flotte Spartiate ; enfin, sous les auspices de Lysandre, l’établissement du gouvernement des Trente dans Athènes démantelée. Platon avait vingt-trois ans. Son cousin Critias et son oncle Charmide faisaient partie du gouvernement, probablement avec d’autres amis ou relations, et ils « l’invitèrent aussitôt comme à des travaux qui lui convenaient ». Jeune et plein d’illusions, il s’imaginait « qu’ils gouverneraient la ville en la ramenant des voies de l’injustice dans celles de la justice ». Il s’abstint cependant, et demeura spectateur. Il vit les Trente « faire regretter en peu de temps l’ancien ordre de choses comme un âge d’or ». Sous prétexte d’épurer la cité, ils procédèrent sans retard aux confiscations, aux bannissements et aux massacres. Ils s’épurèrent eux-mêmes, et Critias, ayant fait exécuter son collègue plus modéré, Théramène, sévit comme un fou furieux. Les bannis se groupèrent, et ce fut la guerre