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INTRODUCTION

assurer cette antiquité, sinon celui qu’il a choisi, faisant la plus ancienne civilisation connue de son temps se porter garante de l’ancienneté d’Athènes en même temps qu’elle s’en proclame l’héritière et qu’elle atteste que cette primitive Athènes réalisait la république idéale (Timée, 23 b-25 d) ? Ainsi Platon suit la mode égyptianisante en l’invertissant. Mais, parce que l’acribie littérale des commentateurs n’a pas su ou n’a pas voulu comprendre l’esprit de pareilles transpositions[1], faut-il que nous, modernes, soyons condamnés à recueillir et amplifier la série de leurs racontars sur les emprunts de Platon à l’Égypte, ou bien quel besoin avons-nous de leur chercher comme source un dialogue que nous sommes obligés de fabriquer de toutes pièces, au lieu de la trouver là où elle est, dans ces pages d’introduction du Timée ? L’imagination critique est une chose précieuse ; mais, dans ces questions de composition, elle gagne à prendre conseil du simple bon sens littéraire, qui est peut-être fait surtout de soumission aux textes, aux méthodes et à l’esprit de l’écrivain qu’on étudie.


La Lettre VII
et les dates possibles
de la République.

Laissons donc de côté le Busiris : nous pouvons attendre avec une patience impartiale que sa chronologie enfin établie quelque jour nous permette de fixer plus sûrement ses rapports avec les dialogues de Platon, mais nous savons que ses ressemblances partielles avec le Timée ou la République ne nous contraignent en aucune manière de recourir, pour celle-ci, à une première édition aujourd’hui disparue. J’ai réservé pour la fin l’argument qu’on emprunte à la Lettre VII. en faveur de cette hypothèse, parce que le texte qu’il utilise est séparable de l’hypothèse et, en dehors d’elle,

  1. Voir au moins Diodore I, 98. Pohlenz (p. 226) en appelle d’abord à Politique, 1309 b 3, mais Aristote, ayant dit que l’Égypte inventa la première la division en classes, ajoute (ib.25) que de telles inventions furent souvent réinventées au cours du temps. Je ne puis entrer ici dans l’examen des critiques élevées par Aristote contre la République. E. Bornemann l’a refait minutieusement (Philologus LXXIX (1923), p. 70-111, 113-158 [la République, 234-257 [les Lois]. Il a montré combien ces critiques sont, dans l’ensemble, erronées ou étroites et que, si nous n’avions le texte de la Rép. et des Lois, elles ne sauraient nous donner de la politique de Platon qu’une idée totalement déformée.