Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
328 c
5
LA RÉPUBLIQUE

siège garni d’un coussin et portait une couronne sur la tête, parce qu’il venait de faire un sacrifice dans la cour. Nous nous assîmes près de lui ; car il y avait là un certain nombre de sièges rangés en cercle.

Aussitôt qu’il m’aperçut, Céphale me salua et me dit : Tu ne descends guère souvent nous voir au Pirée, Socrate ; c’est un tort de ta part. Si moi, j’avais encore assez de force pour faire d’un pied léger le trajet de la ville, tu n’aurais pas d besoin de venir ici : c’est nous qui irions chez toi. Mais maintenant c’est à toi de venir ici plus souvent. Je te dirai en effet que, si pour moi les plaisirs des sens sont fanés, je sens croître d’autant le goût et le plaisir de la conversation. Fais-moi donc la grâce, sans renoncer à la compagnie de ces jeunes gens, de venir ici et de fréquenter chez nous, comme chez d’intimes amis.

Et moi, Céphale, répondis-je, j’aime à converser avec les e gens d’un grand âge ; il me semble qu’il faut apprendre d’eux, puisqu’ils nous ont devancés sur une route que nous aurons peut-être aussi à parcourir, de quelle nature est cette route, si elle est rude et pénible, ou facile et commode. Aussi j’aurais plaisir à connaître ton sentiment sur ce que les poètes appellent « le seuil de la vieillesse », puisque tu es arrivé à ce moment de la vie, si c’est un passage difficile de l’existence, ou si tu as autre chose à en dire.


329III  Oui, par Zeus, je veux bien, Socrate, te dire mon sentiment sur ce point. Souvent en effet nous nous réunissons ensemble entre vieillards à peu près du même âge, justifiant ainsi le vieux proverbe. Or la plupart d’entre nous se lamentent dans ces réunions : ils regrettent les plaisirs de la jeunesse, ils se rappellent les délices de l’amour, du vin, de la

    430. Il s’adonna d’abord à la philosophie, puis à la rhétorique, où il devint un maître réputé. Il s’attacha surtout à faire sentir l’importance du pathétique dans l’éloquence, soit dans des compositions oratoires, soit surtout dans ses Commisérations, un de ses plus célèbres ouvrages, Platon lui prête un caractère orgueilleux et brutal : ses incartades avaient sans doute fait scandale dans la société polie d’Athènes.

    Quant à Charmantide et à Clitophon, ce sont pour nous des inconnus.