Si elle est importante, c’est un point qui n’est pas encore éclairci ; ce qui est évident, c’est qu’il faut examiner si tu as raison. Je conviens avec toi que la justice est quelque chose d’utile ; mais toi, tu ajoutes à cette définition et tu prétends que c’est au plus fort. Voilà ce que j’ignore et qu’il faut examiner[1].
Examine, dit-il.
Réfutation
de la thèse
de Thrasymaque.
XIII C’est ce que je vais faire, répondis-je. Dis-moi, tu soutiens bien, n’est-ce-pas ? que l’obéissance aux gouvernants fait partie aussi de la justice ?
Je le soutiens.
cOr les chefs sont-ils infaillibles dans leurs États respectifs, ou peuvent-ils se tromper ?
Bien certainement, dit-il, ils peuvent se tromper.
Ainsi donc, quand ils se mettent à faire des lois, ils en font qui sont bonnes, mais ils en font aussi qui sont mauvaises ?
Je le crois.
Mais faire de bonnes lois, c’est naturellement instituer ce qui leur est utile à eux-mêmes ; en faire de mauvaises, ce qui leur est nuisible ; n’est-ce pas ton avis ?
Si.
Mais ce qu’ils ont institué, les sujets sont obligés de le faire, et c’est en cela que consiste la justice ?
Sans doute.
dIl est donc juste, selon toi, de faire non seulement ce qui est utile au plus fort, mais encore le contraire, ce qui lui est nuisible ?
Que dis-tu là ? s’écria-t-il.
Ce que tu dis toi-même, ce me semble ; mais regardons-y de plus près. Ne sommes-nous pas tombés d’accord que les gouvernants, en commandant certaines choses à leurs sujets, se trompent quelquefois sur leur intérêt véritable, et qu’il est juste que les sujets fassent ce que les gouvernants prescrivent ? N’en sommes-nous pas convenus ?
- ↑ Avec le nouvel interlocuteur Platon abandonne le ton du badinage. La discussion devient sérieuse, le raisonnement juste et serré, et la conclusion d’une rigueur évidente.
qui, étant allé à la cour de Perse, tua des lions et combattit nu contre des hommes armés (Scholiaste).