C’est juste, dit-il.
Chacun des deux n’a-t-il pas un intérêt qui lui est propre ?
Assurément.
Et l’art lui-même, continuai-je, n’a-t-il pas pour but de rechercher et de procurer à chacun cet intérêt ?
C’est là son but, dit-il.
Et chacun des arts a-t-il quelque autre intérêt que d’être aussi parfait que possible ?
Quel est le sens de ta question ?
eVoici, dis-je. Si tu me demandais s’il suffit au corps d’être corps ou s’il a besoin d’autre chose, je te répondrais : Assurément il a besoin d’autre chose, et c’est pour cela qu’on a inventé aussi l’art médical en usage à présent, parce que le corps est défectueux et ne peut se contenter de ce qu’il est ; c’est pour lui procurer ce qui lui est utile que s’est organisé l’art[1]. Ce que je dis te semble-t-il juste, ou non ?
342Juste, répondit-il.
Mais quoi ! l’art médical même est-il défectueux, et en général un art a-t-il parfois besoin de quelque faculté, comme les yeux ont besoin de la vue et les oreilles de l’ouïe, ce qui fait qu’outre ces organes nous avons besoin d’un art propre à examiner et à procurer ce qui est utile pour voir et pour entendre ? Y a-t-il aussi dans l’art lui-même quelque défectuosité, et chaque art a-t-il besoin d’un autre art chargé de rechercher ce qui lui est utile, et celui-ci à son tour d’un autre, et ainsi de suite à l’infini ? bou bien se chargera-t-il lui-même d’examiner ce qui lui est utile ? ou bien n’a-t-il besoin ni de lui-même ni d’un autre art pour chercher le remède à son imperfection, vu qu’aucun art ne comporte ni imperfection ni erreur d’aucune sorte, qu’un art ne doit chercher que l’intérêt du sujet auquel il s’applique, tandis que lui-même,
- ↑ Dans son édition de la République, vol. 1, p. 35, Adam fait remarquer le peu de cohérence qu’il y a dans le raisonnement. « Chaque art », dit Socrate, « a un intérêt : c’est d’être aussi parfait que possible, et il n’en a pas d’autre, » ce qu’il explique en disant qu’aucun art n’a besoin d’autre chose, puisqu’en tant qu’art il est déjà parfait. Mais les mots de la phrase : « Chaque art a-t-il d’autre intérêt que d’être aussi parfait que possible ? » peuvent-ils s’accommoder à cette explication ? Pour cela il faudrait leur faire dire ceci :