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LA RÉPUBLIQUE

s’il est un art véritable, est incorruptible et pur, aussi longtemps qu’un art, au sens strict du mot, reste intégralement ce qu’il est. Examine de la manière rigoureuse dont tu parlais lequel de ces deux sentiments est le plus vrai.

Il me semble que c’est le dernier, dit-il.

cAinsi donc, repris-je, la médecine ne regarde pas l’intérêt de la médecine, mais celui du corps ?

Sans contredit, répondit-il.

Ni l’art vétérinaire l’intérêt de l’art vétérinaire, mais celui des chevaux, et en général aucun art n’a en vue son intérêt, puisqu’il n’a besoin de rien, mais celui du sujet auquel il s’applique.

Il semble, dit-il, qu’il en est ainsi.

Mais, Thrasymaque, les arts gouvernent et dominent le sujet sur lequel il s’exercent ?

Il eut bien de la peine à m’accorder ce point.

Ainsi donc aucune science ne propose et n’ordonne ce qui est avantageux au plus fort, mais ce qui est avantageux à l’inférieur det au subordonné ?

Il finit aussi par en convenir, mais non sans avoir essayé d’ergoter.

Quand il se fut rendu : « N’est-il pas vrai aussi, demandai-je, qu’aucun médecin, en tant que médecin, n’a en vue et ne prescrit ce qui est utile au médecin, mais ce qui est utile au malade ? car nous avons reconnu que le médecin, au sens rigoureux, gouverne le corps et n’est pas un mercenaire ; n’est-il pas vrai ?

Il en convint.

Et que le pilote, au sens rigoureux, est chef des matelots, emais n’est pas matelot ?

Nous l’avons reconnu.

Un tel pilote et un tel chef n’aura donc pas en vue et ne prescrira pas ce qui est utile au pilote, mais ce qui est utile au matelot et à celui qu’il commande ?

Il en convint avec peine.

Par conséquent, Thrasymaque, repris-je, quelle que soit

    « Aucun art n’a d’intérêt qui lui soit propre, à moins que le fait qu’il est parfait ne soit appelé son intérêt. » Quelques manuscrits (Mon. et Flor. U) ont en effet corrigé ou complété le texte en ce sens. Cf. l’apparat.