Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
349 e
40
LA RÉPUBLIQUE

N’est-ce pas la même chose à l’égard du médecin ?

Si.

Et maintenant, excellent homme, penses-tu qu’un musicien qui accorde sa lyre voulût l’emporter sur un musicien dans la tension ou le relâchement des cordes, et prétendit avoir l’avantage sur lui ?

Non pas.

Et sur un homme ignorant en musique ?

Oui, forcément, dit-il.

350Et le médecin ? en réglant le boire et le manger, voudrait-il l’emporter sur un médecin ou sur une règle médicale ?

Non, certes.

Et sur un homme ignorant en médecine ?

Oui.

Vois de même, à l’égard de toute espèce de science ou d’ignorance, s’il te paraît qu’un savant quelconque voudrait, dans ce qu’il fait et ce qu’il dit, l’emporter sur un autre savant, ou s’il n’aspire qu’à faire la même chose que son semblable dans les mêmes circonstances.

Il semble, dit-il, qu’il faut l’admettre.

Mais l’ignorant ne voudrait-il pas l’emporter et sur le savant bet sur l’ignorant indistinctement ?

Peut-être.

Mais le savant est sage ?

Oui.

Et le sage est bon ?

Oui.

Naturellement celui qui est bon et sage ne voudra pas l’emporter sur son semblable, mais sur celui qui ne lui ressemble pas et qui est son contraire.

Il semble, dit-il.

    La conclusion de ce double raisonnement, c’est que les justes sont comme les sages et les bons, c’est-à-dire sont sages et bons, puisqu’ils sont tels que ceux à qui ils ressemblent, tandis que les hommes injustes sont fous et méchants pour la même raison.

    Ici encore Platon est plus près des sophistes qu’il ne pense, et son raisonnement plus captieux que probant.