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LA RÉPUBLIQUE


L’homme injuste
est malheureux,
le juste, heureux.

Par conséquent l’âme juste et l’homme juste vivront bien, l’injuste, mal ?

C’est évident, dit-il, d’après ton raisonnement.

354Mais à coup sûr celui qui vit bien est heureux et fortuné, celui qui vit mal, le contraire.

Sans doute.

Ainsi l’homme juste est heureux, l’injuste, malheureux ?

Soit, dit-il.

Mais il n’est pas avantageux d’être malheureux, et il l’est d’être heureux.

Sans doute.

Il n’est donc pas vrai, divin Thrasymaque, que l’injustice soit plus avantageuse que la justice.

Fais de cela, Socrate, dit-il, ton festin des Bendidies.

C’est toi qui me l’as servi, Thrasymaque, répondis-je, en te rendant traitable et en renonçant à ta rudesse. Il est vrai que le régal a été maigre ; bmais c’est ma faute, et non la tienne. Il me semble que j’ai fait comme les gourmands qui agrippent et goûtent tous les plats à mesure qu’on les sert, sans avoir mangé suffisamment du précédent : moi aussi avant d’avoir trouvé ce que nous cherchions en premier lieu, à savoir la nature de la justice, j’ai lâché ce sujet pour me jeter dans l’examen de ce point particulier, si la justice est vice et ignorance, ou sagesse et vertu ; puis, un autre propos étant survenu, à savoir si l’injustice est plus avantageuse que la justice, je n’ai pu m’empêcher de quitter le sujet précédent pour celui-ci ; cen sorte qu’à présent le résultat de la discussion, c’est que je ne sais rien ; car du moment que je ne sais pas ce qu’est la justice, je saurai encore moins si c’est, ou non, une vertu, et si celui qui la possède est heureux ou malheureux.