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LA RÉPUBLIQUE

Par Zeus, je n’en suis pas surpris, repris-je ; ta réponse me suggère en effet une réflexion, c’est que tout d’abord la nature n’a pas précisément donné à chacun de nous les mêmes dispositions, bmais qu’elle a différencié les caractères et fait l’un pour une chose, l’autre pour une autre. N’est-ce pas ton avis ?

Si.

Mais quoi ? lequel vaut le mieux de faire à soi seul plusieurs métiers, ou de n’en faire qu’un seul[1] ?

De n’en faire qu’un seul, dit-il.

Mais, si je ne me trompe, il est évident aussi que, si on laisse passer le temps de faire une chose, on la manque.

C’est évident en effet.

C’est que, je pense, l’ouvrage n’attend pas la commodité de l’ouvrier, et l’ouvrier ne doit pas quitter son ouvrage, comme si c’était cun simple passe-temps.

Il ne le doit pas.

Par suite on fait plus et mieux et plus aisément, lorsque chacun ne fait qu’une chose, celle à laquelle il est propre, dans le temps voulu, sans s’occuper des autres.

Très certainement.

Il faut donc, Adimante, plus de quatre citoyens pour satisfaire aux besoins dont nous venons de parler. Car le laboureur ne fera sans doute pas lui-même sa charrue, s’il veut qu’elle soit bien faite, dni son hoyau, ni ses autres outils agricoles ; le maçon non plus ne fera pas ses outils ; il lui en faut en effet beaucoup à lui aussi ; ni le tisserand non plus, ni le cordonnier.

C’est vrai.

Voilà donc des maçons, des forgerons et beaucoup d’ouvriers semblables qui, en s’associant à notre petit État, vont augmenter sa population.

    ont les uns des autres ; dans les Lois (676 A-680 E) il appuie davantage sur l’instinct social des hommes ; dans le Protagoras, les hommes s’unissent pour se défendre contre les bêtes fauves. Aristote, Polit., 1291a, 10-19, a critiqué Platon ; il prétend que c’est en vue de l’honnêteté (τὰ καλόν) que la société se forme, et non en vue des besoins matériels (τὰ ἀναγκαῖα).

  1. Ces vues si nettes sur la différence des aptitudes et sur la division