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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/334

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382 d
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LA RÉPUBLIQUE

dremède propre à les en détourner ? Et encore dans la composition des fables[1], dont nous parlions tout à l’heure, quand, par suite de l’ignorance où nous sommes des faits authentiques du passé, nous conformons autant que possible le mensonge à la vérité, ne rendons-nous pas par là le mensonge utile ?

Si, dit-il, je le reconnais.

Mais pour laquelle de ces raisons le mensonge est-il utile à Dieu ? Est-ce l’ignorance du passé qui le déterminerait à une assimilation mensongère ?

Il serait ridicule de le prétendre, dit-il.

On ne saurait donc trouver en Dieu un poète menteur.

Il ne me semble pas.

eMais est-ce la crainte de ses ennemis qui le porterait au mensonge ?

Il s’en faut de beaucoup.

Alors est-ce la folie ou la fureur de ses amis ?

Mais les dieux n’ont point d’amis parmi les furieux et les insensés, répondit-il.

Il n’y a donc pas de raison pour que Dieu soit menteur.

Il n’y en a pas.

Par conséquent tout ce qui est démonique et divin est en opposition complète avec le mensonge.

Oui, complète, dit-il.

Dieu est donc absolument simple et vrai en actions et en paroles, il ne change pas de lui-même et il ne trompe les autres, ni par des fantômes, ni par des discours, ni par des signes envoyés de lui dans la veille ou dans les rêves.

383Je le crois, dit-il, moi aussi, à t’entendre parler.

Tu m’accordes donc, repris-je, que le second principe qui doit régler les discours ordinaires et les compositions poétiques relatives aux dieux, c’est qu’ils ne sont pas des enchanteurs qui changent de formes et qu’ils ne nous égarent point par des mensonges en paroles ou en actions.

Je te l’accorde.

Ainsi, tout en louant beaucoup de choses dans Homère,

  1. Platon semble avoir admis qu’on peut à volonté arranger et contrefaire l’histoire ancienne et la mythologie. C’est ce qu’il a lui-même essayé de faire III 414 B sqq. dans ce qu’il appelle un conte phénicien.