Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/386

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
400 e
115
LA RÉPUBLIQUE

Notre jeunesse ne doit-elle pas poursuivre partout ces qualités, si elle veut remplir sa destination ?

À coup sûr, elle le doit.

401Ces qualités éclatent aussi dans la peinture et dans tous les arts du même genre, elles éclatent dans l’art du tisserand, du brodeur, de l’architecte et dans la confection de tout notre ameublement, elles éclatent aussi dans la nature des corps et des plantes de toute sorte ; car tout cela comporte de la grâce ou de la difformité. Le défaut de grâce, de rythme et d’harmonie est apparenté à la laideur du langage et du caractère, et les qualités contraires sont les sœurs jumelles et les images du caractère opposé, celui de l’homme sage et vertueux.

Rien de plus exact, dit-il.


Tous les artistes
imiteront le bien
et le beau.
b

XII  Les poètes sont-ils les seuls qu’il nous faille surveiller et contraindre à n’offrir dans leurs poèmes que des modèles de bonnes mœurs, sinon, à ne point composer parmi nous, ou devrons-nous contrôler aussi les autres artistes et les empêcher d’imiter le vice, l’intempérance, la bassesse, l’indécence soit dans la peinture des êtres vivants, soit dans l’architecture, soit dans tout autre genre d’image, ou, s’ils ne peuvent faire autrement, leur interdire de travailler chez nous ? Ne faut-il pas craindre en effet que nos gardiens ne grandissent au milieu des images du vice, ccomme dans un mauvais pâturage, qu’ils n’y cueillent et n’y paissent tous les jours, à doses légères, mais répétées, le poison de mainte herbe vénéneuse, et n’amassent ainsi, sans s’en apercevoir, une grande corruption dans leur âme ? Ne faut-il pas au contraire rechercher les artistes doués pour suivre à la trace la nature du beau et du gracieux[1], afin que semblables aux habitants d’un pays sain, les jeunes gens tirent profit de tout, et que, de quelque côté que les effluves des beaux ouvrages frappent leurs yeux

  1. Platon ne bannit ni la poésie ni les arts de sa république ; mais en philosophe idéaliste qu’il est, il n’admet ni l’immoralité, ni le pur réalisme : l’art et la poésie doivent revêtir les caractères de la beauté, de la vérité et de la vertu. C’est dans cette atmosphère de perfection qu’il veut élever la jeunesse.