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LA RÉPUBLIQUE

Ne crois-tu pas, repris-je, qu’il est plus honteux encore non seulement de passer la plus grande partie de sa vie dans les tribunaux à intenter et à soutenir des procès, mais encore de pousser le mauvais goût jusqu’à tirer vanité de savoir être injuste cet de pouvoir s’assouplir en mille manières, s’échapper par mille portes et se plier comme l’osier pour esquiver le châtiment, et cela pour des intérêts mesquins et méprisables, parce qu’on ne sait pas combien il est plus beau et plus avantageux d’ordonner sa vie de manière à n’avoir pas besoin d’un juge somnolent ?

Si, dit-il, cela me paraît plus honteux encore.

D’un autre côté recourir à l’art du médecin, je ne dis pas pour une blessure ou une de ces maladies que chaque saison ramène, mais parce que, dpar l’effet de la paresse et du régime que nous avons décrit, on se remplit comme un étang d’humeurs et de vapeurs, et contraindre les ingénieux fils d’Asclépios à imposer à des maladies les noms de flatulences et de catarrhes, n’est-ce pas là encore une chose honteuse à ton avis ?

Si, dit-il, et ce sont réellement des noms de maladies nouveaux et bizarres.


La médecine
au temps d’Homère,
et la thérapeutique
actuelle.

De tels noms n’existaient pas, je crois, dis-je, au temps d’Asclépios ; et voici sur quoi j’appuie cette conjecture. eQuand Eurypyle fut blessé devant Troie, une femme lui donna à boire du vin de Pramnos abondamment saupoudré de farine et de fromage râpé. 406Cette potion paraît bien inflammatoire ; malgré cela les fils d’Asclépios n’y trouvèrent pas à redire et ils n’eurent pas un blâme pour le remède de Patrocle[1].

C’était en effet, dit-il, un breuvage étrange pour un homme en cet état.

Non, dis-je, si tu réfléchis que la thérapeutique actuelle qui suit les maladies pas à pas ne fut point pratiquée, dit-on, par les disciples d’Asclépios avant l’époque d’Hérodicos.

  1. La potion dont parle ici Platon ne fut pas donnée à Eurypyle, mais à Machaon lui-même, Iliade, XI, 624. Quant à Eurypyle, c’est Patrocle qui le soigne, Iliade, XI, 833, et il ne lui donne aucune potion, mais il applique sur la blessure une racine réduite en poudre.