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INTRODUCTION

publication serait prématuré, sinon tout à fait vain. Mais discuter ici sur l’étendue et la teneur de l’Ur-Politeia, dont on a voulu prouver l’existence et la date par ce texte d’Aulu-Gelle, serait certainement plus vain encore : les duo fere libri et leur influence possible sur la Cyropédie s’expliquent parfaitement sans cette hypothèse, que nous ne tarderons d’ailleurs pas à retrouver sur notre route.


SECONDE PARTIE : LES CONDITIONS DE RÉALISATION

1. — Les femmes-gardiens.

Continuité
du plan.

Nous avons donc construit la cité et montré qu’en elle, aussi bien que dans chacun de ses membres, la justice naîtra du fait que leurs parties composantes resteront chacune à leur place et joueront leur rôle propre. Mais, dans cette appropriation des parties, garantie du travail harmonieux de l’ensemble, à qui revient le rôle principal ? Évidemment à la partie dirigeante, à celle qui, voyant l’ensemble et son but, tient orientée vers ce but sa propre action et celle des autres parties. Quelle sera donc la condition fondamentale pour que se réalise cette justice parfaite, sinon que la partie dirigeante ne cesse de voir et de vouloir la fin générale, de la voir dans une clarté totale et inamissible, de la vouloir et de s’y consacrer sans partage et sans retour ? Cette clarté inamissible, c’est celle de la science : il faut donc que nos gardiens cherchent et conquièrent la science, il faut, en un mot, qu’ils soient philosophes. À ce degré, voir, c’est vouloir, et l’intuition claire fait l’action infaillible. Mais se consacrer sans partage à la fin et, pour cela, monter sans arrêt vers la vision totale, réclame une volonté dégagée de toutes les entraves, purifiée de toutes les attaches étrangères : aussi, comme nous avons précédemment enlevé à nos gardiens les passions et les soucis de la vie matérielle, nous leur enlèverons maintenant les passions et les soucis de la famille. La communauté des femmes et des enfants est la condition négative, la « philosophie » des gardiens est la condition positive de réalisation de la justice parfaite.

Disons-nous là quelque chose d’essentiellement nouveau et