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INTRODUCTION

Féminisme et Communisme.

Socrate s’engageait donc dans l’examen des formes vicieuses de gouvernement. Mais Polémarque a retenu cette allusion passagère à la communauté des femmes et des enfants qu’Adimante approuva si vite, peut-être si distraitement. Il désire une explication plus ample et la fait demander par Adimante, que tous appuient de leurs instances. Socrate hésite, se débat et finalement consent (451 c).

Il faut être logiques, en effet. Nous avons comparé nos gardiens aux chiens bergers d’un troupeau. Or, laissons-nous toujours les chiennes au logis ? Ne voulons-nous pas, tout en ménageant leurs forces, qu’elles soient aussi bonnes gardeuses, aussi bonnes chasseuses, et fassent le même service que les mâles ? Ne les dressons-nous pas de la même façon ? Comment alors ne pas traiter en gardiennes les femmes de nos gardiens et comment ne pas les exercer à ce rôle ? Nous les élèverons donc comme les hommes, par la musique et la gymnastique. On rira de les voir nues sur le gymnase, surtout si elles sont vieilles, et de les voir monter à cheval, manier les armes ? Eh bien ! on a ri des premiers Grecs, ceux de Crète et de Lacédémone, qui se dévêtirent pour les exercices, et l’on ne rit plus aujourd’hui. Devant ce qui se révèle utile et bon, la raillerie tombe : seuls les sots s’y attardent. La femme gardienne est-elle possible ? On nous dira : vous-même avez pour principe « À chacun sa nature, à chacun sa fonction » ; or, la femme est autre que l’homme par nature. Oui, en ce qu’elle enfante et que l’homme engendre. Non, pour tout le reste : plus faible en tout, et nous en tiendrons compte, elle est susceptible en tout des mêmes aptitudes ou inaptitudes que l’homme, et, comme lui, sera meilleure tantôt dans les travaux domestiques, tantôt dans la médecine, la musique, la gymnastique, la guerre, la philosophie. La femme gardienne est-elle utile ? Comment en douter, puisqu’elle doublera cette élite forcément restreinte que sont les gardiens de la cité ? Exerçons-la donc vêtue de sa vertu, et laissons rire les sots (407 b).

Mais ce n’est là que la première vague, heureusement franchie. Voici la seconde : entre nos gardiens, les femmes seront communes, aucune n’habitera exclusivement avec aucun ; les enfants aussi seront communs et ni l’enfant ne connaîtra son père, ni le père son enfant, Ici encore Platon est logique :