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INTRODUCTION

les concepts fondamentaux de la science, temps, espace, mouvement, continuité et division ; mécanistes et atomistes, qui expliquent tout le visible par la figure, l’ordre et la disposition d’éléments invisibles ; Anaxagore, qui substitue aux minima insécables des atomistes la loi de division et composition infinies, et soumet leur Nécessité à la prévision de l’Esprit ; inventeurs anonymes, dont les trouvailles accumulées constituent peu à peu ce premier corpus de géométrie plane et d’arithmétique élémentaire qu’Hippocrate va rassembler. La seconde moitié du ve siècle voit l’éclosion des découvertes[1]. Œnopide, qui découvre vers 450 l’obliquité de l’écliptique, s’occupe en géométrie de problèmes très élémentaires, mais, quand les Pythagoriciens ont constaté l’incommensurabilité de la diagonale et du côté du carré, la notion d’irrationnelle apparaît, dans ce premier exemple, comme une étrangeté d’abord déconcertante. Elle devient extraordinairement féconde, lorsque Théodore de Cyrène, entrant dans cette piste neuve, étudie les racines de 3, 5, etc. jusqu’à 17, et que son jeune élève Théétète découvre qu’il y a des grandeurs dont les carrés eux-mêmes ne sont pas rationnels. Il généralise ainsi la notion d’irrationnelle, en classe les espèces, et fonde la théorie des incommensurables telle qu’elle sera exposée dans le Livre X d’Euclide. La vieille théorie des proportions, qui ne connaissait que des rapports exprimables

  1. Sur cette éclosion de découvertes, Frank, p. 71. Sur Œnopide, Tannery, Géom. gr., p. 86/9 (il résout les 2 problèmes : « Abaisser, d’un point donné, une perpendiculaire sur une droite donnée. Construire un angle égal à un angle donné, le sommet et un côté de l’angle à construire étant donnés » ). Sur la découverte et le développement de la théorie des irrationnelles, Tannery, Géom. gr. (p. 100 et passim) et Mém. Scient., III, p. 85-89 (rôle de la musique grecque dans ce développement) ; Milhaud, Les Philos. géom., p. 159 et suiv. ; E. Sachs, De Theaeteto, p. 43-61 ; Junge (Novae symbolae Joachimicae, Halle, 1907, p. 223 et suiv.) ; H. Vogt, Bibl. mathem., 1908, p. 15 ; 1910, p. 97 ; 1914, p. 9-29 ; H. Zeuthen, Sur l’origine historique de la connaissance des quantités irrationnelles, C. R. Ac. d. se. Copenhague, 1916, p. 333-362. — E. Sachs, Plat. Körper, p. 3 et suiv., 32 et suiv. — Platon, Théétète, 147 d-148 e, et ma Notice (Paris, 1924), p. 125/8. - Frank, 224-233 et passim (théorie des proportions 225/6). — A. Rome, Bulletin d’Histoire des Sciences, dans Revue des Questions Scientifiques, 1929, p. 258-75 ; 1931, p. 279-805.