Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lxxxvii
INTRODUCTION

occupation intérieure d’école. Ici Platon légifère, dit quelle sera la nature de l’éducation des gouvernants, quels buts elle doit poursuivre et quels périls éviter, quel programme général elle doit s’imposer. Mais il ne professe pas, et le mot de Socrate à Glaucon : « Tu ne pourrais plus suivre » veut dire : « Ce n’est pas ici le lieu ». Ce sur quoi il insiste, c’est la fin de cette formation dialectique. À des gouvernants, il faut la claire vue du but à poursuivre, la conviction raisonnée de son excellence, la détermination et la force de ne s’en laisser détourner par aucun sophisme ; il leur faut donc un entraînement qui les habitue à raisonner et défendre leurs principes d’action. Des exercices dialectiques bien conduits leur donneront seuls cet entraînement (534 b/e).


Les étapes
de la carrière.

La mise en œuvre du programme est conçue dans ce même esprit de mesure et d’appropriation. Nous avons, une première fois, choisi comme chefs les plus vieux parmi nos gardiens, mais, le bon ordre ainsi assuré, ce n’est naturellement pas dans les vieillards que nous choisirons nos élèves gouvernants. Aux meilleurs parmi les jeunes, une fois achevées leurs deux ou trois années de gymnastique, nous enseignerons sans contention et sans contrainte, par la joie, les sciences mathématiques. À vingt ans, nouvelle élimination, et application des sujets les plus distingués à l’étude synthétique des sciences apprises dans l’adolescence. Leur faire voir les rapports mutuels de ces disciplines et leur rapport mutuel à l’être, voilà ce qui prépare le mieux en eux des esprits synoptiques, c’est-à-dire des dialecticiens. À trente ans, nouvelle ascension des meilleurs, qui pratiqueront pendant cinq ans la dialectique. Pas avant cet âge, et en prenant bien soin de choisir des natures solides, car les natures faibles ne peuvent devenir critiques sans succomber au scepticisme, et les jeunes gens prennent tant de plaisir à la discussion qu’ils deviennent facilement des disputeurs et compromettent le renom de la philosophie. À trente-cinq ans, ils redescendront dans la caverne et, pendant quinze ans, passeront par les divers commandements militaires et civils, pour être sûrs de ne le céder à personne en fait d’expérience. À cinquante ans, ils gouverneront à tour de rôle et, dans leurs intervalles de loisir, s’adonneront à la contemplation du