TROISIÈME PARTIE : LES CONSTITUTIONS DÉGÉNÉRÉES
Division
et méthode.
Une fois décrite ainsi la cité idéalement juste et défini l’homme juste par excellence, que nous reste-t-il à faire si nous voulons remplir le programme que nous nous sommes tracé dès le début et si souvent remémoré au cours de cette discussion : opposer l’une à l’autre la Justice et l’Injustice en leur formule la plus pure et voir laquelle des deux a le plus de valeur ? Nous devons évidemment considérer la cité et l’homme en qui se réalise l’injustice suprême. Mais, de même que nous avons étudié la genèse de la cité normale, les conditions de réalisation de la cité parfaite et la voie ascendante par laquelle l’homme de cette Cité parvient à sa perfection, de même il est naturel que nous examinions par quelles étapes de déchéance progressive et par quelle logique de corruption intérieure la cité s’achemine vers la pire des constitutions, et l’homme vers l’iniquité la plus achevée.
Avant même de discuter les possibilités de réalisation de la cité parfaite, nous avions indiqué les quatre formes vicieuses de constitution qui s’opposaient à cette constitution idéale (445 c/e). Rappelons brièvement ses traits distinctifs : tout y est commun, femmes, enfants, éducation, exercices de guerre et de paix ; ceux-là y sont rois qui l’emportent par leur valeur militaire et leur excellence en philosophie, et chefs comme gardiens ne possèdent rien en propre, mais sont entretenus par les autres citoyens, envers qui ils s’acquittent de leur commandement comme d’un service. Quelles sont maintenant les constitutions imparfaites ? Ce sont, par rang de valeur à l’estime des hommes, celle de Crète et de Lacédémone, puis l’oligarchie et son opposée, la démocratie, enfin la pire de toutes, la tyrannie authentique, quatrième et dernier stade de corruption de la cité. Laissons de côté les formes aberrantes et ne comptons comme espèces définies que ces cinq sortes de constitutions, une parfaite et quatre imparfaites, auxquelles correspondent naturellement cinq types d’hommes, car ce sont les mœurs des hommes qui font les constitutions. Comme nous l’avons fait jusqu’ici, nous procéderons de la constitution à l’homme,