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LA RÉPUBLIQUE VII

Quelle peut donc être, Glaucon, la science qui attire l’âme de ce qui naît à ce qui est ? Mais, en parlant, je pense à une autre chose. Nous avons bien dit que nos philosophes devaient être dans leur jeunesse des athlètes guerriers[1] ?

Nous l’avons bien dit.

Il faut donc que la science que nous cherchons, outre cette vertu, en ait encore une autre.

Laquelle ?

De n’être pas inutile à des hommes de guerre.

Il le faut certainement, dit-il, si c’est possible.

eC’est par la gymnastique et la musique que nous avons fait précédemment leur éducation.

C’est bien cela, dit-il.

Mais la gymnastique s’applique à ce qui naît et meurt ; car c’est de la croissance et du dépérissement du corps qu’elle s’occupe.

C’est évident.

Elle n’est donc pas la science que nous cherchons.

522Non.

Sera-ce la musique telle que nous l’avons décrite plus haut ?

Mais nous n’y avons vu, dit-il, si tu t’en souviens, que la contre-partie de la gymnastique[2] : elle a servi à donner des habitudes à nos gardiens, à leur enseigner par l’harmonie le bon accord, et non la science ; par le rythme, la régularité ; et dans les discours, soit fabuleux, soit véridiques, certaines autres habitudes analogues ; mais d’enseignement qui mène au but supérieur que tu vises à présent, elle n’en a offert aucun.

bTu me rappelles fort exactement, repris-je, ce que nous avons dit : effectivement elle n’en a offert aucun. Mais alors, excellent Glaucon, qu’est-ce qui peut donner un tel enseigne-

  1. Au livre IV, 422 b Socrate appelle les gardiens des athlètes voués à la guerre (πολέμου ἀθηταί).
  2. Cf. III 410 c-412 a, et surtout Timée 88 a/b où Platon signale les dangers d’une vie intellectuelle et d’une vie physique trop intenses. À cela, dit-il, « il n’y a qu’un remède : ne mouvoir jamais l’âme sans le corps, ni le corps sans l’âme, afin que, se défendant l’un contre l’autre, ces deux parties gardent leur équilibre et leur santé. » (Trad. Rivaud). Cf. Isocrate, Antidosis 182 init.