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LA RÉPUBLIQUE VII

sensation qui signale dans le même objet la dureté et la mollesse ? De même pour la sensation du léger et du lourd, que faut-il entendre par ce léger et ce lourd, lorsque la sensation signale que le lourd est léger, et que le léger est lourd ?

bEn effet, dit-il, ce sont là pour l’âme des témoignages étranges et qui réclament l’examen.

Il est donc naturel, repris-je, que l’âme en cette perplexité appelle à son secours l’entendement et la réflexion et tâche d’abord de se rendre compte si chacun de ces témoignages porte sur une seule chose ou sur deux.

Sans doute.

Si elle juge qu’il y en a deux, chacune d’elles ne paraît-elle pas une et distincte de l’autre ?

Si.

Si donc chacune d’elles lui paraît une, et l’une et l’autre, deux, elle les concevra toutes deux comme séparées ; autrement, elle ne les concevrait pas ccomme deux choses, mais comme une seule[1].

Fort bien.

Or la vue, disons-nous, a perçu la grandeur et la petitesse non comme séparées, mais comme confondues ensemble, n’est-ce pas ?

Oui.

Et pour débrouiller cette confusion, l’entendement est forcé de voir alors la grandeur et la petitesse, non plus confondues, mais séparées, au rebours de ce que fait la vue.

C’est vrai.

De là nous vient d’abord l’idée de rechercher ce que peut être la grandeur et la petitesse.

Oui.

C’est de la même manière que nous avons distingué ce qui est intelligible et ce qui est visible.

dC’est très exact, dit-il.


VIII  Eh bien, voilà ce que je voulais faire entendre tout à l’heure, quand je disais que certains objets excitent à penser, et que d’autres ne le font point, et que je rangeais

  1. Voir Phédon où Platon fait la même observation pour montrer l’impuissance d’une explication purement physique des choses et Parménide 143 d et suiv., où il en tire toute la génération du nombre.