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LA RÉPUBLIQUE IV

sent même à donner des soins à de pareils États, n’admires-tu pas leur courage et leur complaisance ?

Si, dit-il, je les admire, excepté pourtant ceux qui se laissent tromper par eux et qui s’imaginent être réellement de grands politiques, parce qu’ils reçoivent les applaudissements de la multitude.

Comment dis-tu ? Tu n’excuses pas, dis-je, ces gens-là ? Imagine un homme qui ne sache pas mesurer : si beaucoup d’ignorants comme lui lui répètent qu’il a quatre coudées, penses-tu qu’il pourra s’empêcher de croire ce qu’on lui dit ede sa taille ?

Non, dit-il, je ne crois pas qu’il le puisse.

Ne sois donc pas dur pour eux : ce sont les gens les plus divertissants du monde, avec leurs règlements du genre de ceux dont nous parlions tout à l’heure, et les corrections qu’ils y ajoutent, dans l’espoir toujours renaissant de trouver un terme aux abus qui se glissent dans les contrats et les affaires que j’énumérais il n’y a qu’un instant, sans se douter qu’ils ne font autre chose que couper les têtes de l’hydre.

427En effet, dit-il, ils ne font pas autre chose.

Pour ma part, dis-je, je ne me serais pas imaginé que dans un État quelconque, bien ou mal gouverné, un véritable législateur dût se mettre en peine de lois et de règlements semblables, dans l’un, parce que cela est inutile et n’amende rien, dans l’autre, parce que le premier venu est capable d’en trouver une partie, et que le reste découle de lui-même des habitudes prises auparavant.

bQue nous reste-t-il donc à faire, demanda-t-il, en législation ?


La religion.

Je répondis : À nous, rien ; c’est à Apollon, le dieu de Delphes, à dicter les plus importantes, les plus belles, les premières des lois[1].

Quelles sont ces lois ? demanda-t-il.

Celles qui regardent la fondation des temples, les sacrifices, et en général le culte des dieux, des démons et des héros, et aussi les tombeaux des morts et les honneurs qu’il faut leur rendre pour qu’ils nous soient propices ; car ces

  1. Platon dit de même dans les Lois 738 B : « Soit qu’on bâtisse une cité nouvelle, soit qu’on en rétablisse une ancienne tombée en