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LA RÉPUBLIQUE IV

Ce n’est pas non plus, dit-il, aucune de ces sciences.

Ni celle qui s’occupe de faire pousser les fruits de la terre ; l’État n’en peut tirer que la réputation de bon agriculteur.

Il me semble.

Mais quoi ? repris-je ; n’y a-t-il pas dans l’État que nous venons de fonder une science qui réside en quelques citoyens, et qui délibère, dnon pas sur un objet particulier, mais sur l’État même en son entier, pour régler le mieux possible tant son organisation intérieure que ses rapports avec les autres États ?

Il y en a une assurément.

Laquelle, dis-je, et chez qui ?

La science qui garde l’État, chez ces magistrats que nous avons appelés tout à l’heure des gardiens parfaits.

Et quel est le nom que cette science vaut à l’État ?

Celui de prudent en ses conseils, dit-il, et de réellement sage.

Eh bien, repris-je, crois-tu que dans notre État les forgerons ne seront epas plus nombreux que ces véritables gardiens ?

Il y aura, dit-il, bien plus de forgerons.

Et si tu compares ces gardiens aux autres corps qui tirent leur nom de quelque science, ne sont-ils pas les moins nombreux de tous ?

De beaucoup.

Par conséquent c’est au corps le moins nombreux, à la plus petite partie de lui-même et à la science qui y réside, c’est enfin à ce qui est à sa tête et le gouverne qu’un État constitué selon la nature et considéré dans son ensemble doit le nom de sage, 429et c’est, à ce qu’il semble, au groupe le moins nombreux qu’il appartient d’avoir part à cette science qui seule entre toutes mérite le nom de sagesse[1].

Cela est très vrai, dit-il.

  1. Le terme de σοφία, sagesse, comme Platon vient de l’interpréter, est la même chose que la φρόνησις, comme il l’appelle 433 b/c, appliquée à la politique, mais non à la connaissance métaphysique de l’idée du Bien. Elle délibère pour le bien de la communauté ; mais le bien n’est pas encore ici élevé au rang d’Idée. Cf. Krohn, Plat. Staat, p. 40 et 362.