Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 1.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
431 c
24
LA RÉPUBLIQUE IV

C’est vrai, dit-il.

Ne retrouves-tu pas tout cela dans notre État, ne vois-tu pas que les passions de la multitude vicieuse y sont dominées dpar les passions et l’intelligence d’une minorité vertueuse ?

Je le vois, dit-il.


IX  Si donc il faut jamais dire qu’un État est maître de ses plaisirs et de ses passions et de lui-même, c’est bien du nôtre qu’il faut le dire.

Assurément, fit-il.

Ne faut-il pas ajouter que par tous ces motifs il est tempérant ? Si fait, dit-il.

Et si jamais dans un État gouvernants et gouvernés ont eu la même opinion sur ceux qui doivent commander, c’est encore dans le nôtre eque se trouve cet accord. N’est-ce pas ton avis ?

Si, dit-il, complètement.

Dans lequel de ces deux groupes de citoyens diras-tu donc que réside la tempérance, quand ils sont ainsi d’accord ; est-ce dans les gouvernants ou dans les gouvernés ?

Dans les deux sans doute, dit-il.

Te rends-tu compte, repris-je, que nous avons été bons devins tout à l’heure, en assimilant la tempérance à une sorte d’harmonie[1] ?

Pourquoi donc ?

Parce que, si le courage et la sagesse, qui ne résident que dans une partie de l’État, 432le rendent néanmoins, l’une sage, l’autre courageux, il n’en est pas ainsi de la tempérance : celle-ci s’étend absolument à toute la cité et produit l’accord parfait entre tous les citoyens, quelle que soit la classe, basse, haute ou moyenne, où les range, par exemple, leur intelli-

  1. En tant que vertu politique, la tempérance comprend trois éléments, la soumission du pire au meilleur, la soumission des passions à la raison, et enfin l’accord du meilleur et du pire pour décider qui doit gouverner. Les deux premiers se ramènent en réalité à un seul et ne sont point fondamentaux, car ils découlent du troisième ; celui-ci au contraire ne découle pas des deux autres. Voilà pourquoi, dans sa définition finale, Platon n’admet que le troisième et fait de la tempérance une harmonie.