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LA RÉPUBLIQUE IV

cle mélange des trois classes causeraient à l’État le plus grand dommage, et l’on n’aurait pas tort d’y voir un véritable crime.

Certainement.

Or le plus grand crime envers l’État, ne l’appelleras-tu pas injustice ?

Il n’y a pas d’autre nom à lui donner.


XI  Voilà donc ce que c’est que l’injustice. Mais inversement disons que, lorsque les trois ordres des mercenaires, des auxiliaires et des gardiens se renferment dans leurs attributions et que chacun d’eux fait dans l’État la tâche qui lui revient, c’est là le contraire de ce que nous disions tout à l’heure, c’est la justice et ce qui fait qu’un État est djuste.

Il me semble, dit-il, qu’il n’en saurait être autrement.


La justice est-elle
dans l’individu
ce qu’elle est
dans l’État ?

Ne l’affirmons pas encore, repris-je, avec pleine assurance. Mais transportons cette sorte de vertu : si elle se fait reconnaître là aussi comme étant la justice, nous n’aurons plus qu’à l’avouer pour telle ; car quelle objection pourrions-nous y faire encore ? Dans le cas contraire, nous tournerons nos recherches d’un autre côté. Pour le moment poussons à bout l’enquête que nous avons instituée, dans l’espoir qu’en essayant d’abord de considérer la justice dans un cadre plus vaste, eil nous serait plus facile de reconnaître ce qu’elle est dans l’individu. Il nous a semblé que cet objet était un État et, en conséquence, nous en avons fondé un aussi parfait que possible, parce que nous savions bien que la justice se trouverait dans l’État bien organisé. Ce que que nous y avons découvert, transportons-le à l’individu ; s’il y a parité, ce sera parfait ; si au contraire des divergences apparaissent dans l’individu, 435nous reviendrons à l’État, pour approfondir notre recherche ; et peut-être, en les confrontant et en les frottant pour ainsi dire, nous en ferons jaillir la justice, comme on fait jaillir du feu de deux bouts de bois, et, quand elle apparaîtra en pleine clarté, nous l’affermirons solidement en nous-mêmes.