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LA RÉPUBLIQUE IV

C’est, dit-il, procéder avec méthode, et nous ne saurions mieux faire.

Eh bien, repris-je, lorsqu’on dit de deux choses, l’une plus grande, l’autre plus petite, qu’elles sont la même chose, sont-elles dissemblables par ce qui fait dire d’elles qu’elles sont la même chose, ou sont-elles semblables par là ?

Elles sont semblables, dit-il.

bAinsi un homme juste ne différera nullement d’un État juste en ce qui regarde la qualité même de la justice, mais il lui sera semblable.

Il lui sera semblable, dit-il.

Or il nous a paru qu’un État était juste, quand les trois classes d’esprits qui le composent faisaient chacune ce qu’elle avait à faire, que d’autre part il était tempérant, courageux et sage, grâce à certaines dispositions et qualités correspondantes de ces mêmes classes.

C’est vrai.

Si donc, ami, nous trouvons dans l’âme de l’individu aussi ces mêmes genres de qualités, cnous jugerons qu’il mérite les mêmes noms que l’État, puisqu’il a les mêmes dispositions.

C’est de toute nécessité, dit-il.

Nous voilà ramenés, mon admirable ami, repris-je, à la facile question de savoir si l’âme a en elle ces trois sortes de qualités, ou si elle ne les a pas[1].

Facile ! elle ne me le paraît guère à moi, dit-il, et je crois bien, Socrate, que le proverbe a raison, que les belles choses sont difficiles.

dÉvidemment, répliquai-je, et si tu veux savoir ma pensée, Glaucon, j’ai peur qu’avec une méthode comme celle que nous suivons à présent dans notre discussion, nous n’arrivions pas à une démonstration rigoureuse ; la route qui nous mènerait au but est plus longue et plus compliquée ; cependant notre méthode ne messied peut-être pas aux débats et aux recherches que nous avons poursuivis jusqu’ici.

N’est-ce pas suffisant ? dit-il ; quant à moi, je m’en contenterais pour le moment.

Eh bien ! repartis-je, elle me suffira pleinement à moi aussi.


  1. Cf. Frutiger, Les Mythes de Platon, 1930, p. 76-96.