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LA RÉPUBLIQUE IV

dSans contredit. Ceci posé, n’admettrons-nous pas qu’il y a une espèce particulière de désirs, et que les plus manifestes de cette espèce sont ce que nous appelons la faim et la soif ?

Nous l’admettrons, dit-il.

L’une n’est-elle pas le désir de boire, l’autre de manger ?

Si.

Or la soif, en tant que soif, est-elle dans l’âme un désir d’autre chose encore que ce que je viens de dire ? Par exemple la soif est-elle soif d’une boisson chaude ou froide, abondante ou modique, en un mot d’une boisson déterminée ? ou plutôt, si réchauffement se joint à la soif, en’y ajoutera-t-il pas le désir de la fraîcheur, et si c’est le froid, le désir de la chaleur ? et si en raison de sa violence la soif est grande, elle fera naître le désir de boire beaucoup ; si elle est petite, de boire peu. Mais pour la soif prise en soi, elle ne saurait être le désir d’autre chose que de son objet naturel, la boisson en soi, comme la faim n’est autre chose que le désir du manger.

C’est vrai, dit-il ; chaque désir pris en lui-même ne convoite que son objet naturel pris en lui-même ; le désir de telle chose déterminée relève des accidents qui s’y ajoutent.

438Ne nous laissons pas surprendre, repris-je, ni déconcerter par l’objection qu’on ne désire pas la boisson, mais une bonne boisson, ni le manger, mais un bon manger, attendu qu’on désire naturellement les bonnes choses, que par conséquent, si la soif est un désir, c’est le désir de quelque chose de bon, quel que soit son objet, soit la boisson, soit autre chose[1] ; et il en est ainsi des autres désirs.

On pourrait trouver, fit-il, que l’objection n’est pas sans force.

bEn tout cas, repris-je, toutes les choses qui par leur nature

    Aristote, que le principe ne peut être prouvé que par une réfutation des arguments de l’adversaire, et, après avoir précisé sa signification, diffère ironiquement la question de sa valeur. »

  1. On peut faire à Socrate cette objection : « On désire toujours le bien. Comment dès lors la partie rationnelle pourrait-elle s’opposer au désir ? — Il faut distinguer, dit Socrate, le désir en soi, par exemple, le désir de boire, et le désir particulier, par exemple le désir d’une bonne boisson. Les deux sont logiquement distincts : l’un