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LA RÉPUBLIQUE VIII

venais de décrire, ainsi que l’homme formé sur le même modèle, dbien que tu pusses, à ce qu’il semble, nous montrer un État et un homme d’une beauté encore plus achevée. Mais, ajoutais-tu, 544si cette forme de gouvernement est bonne, les autres sont défectueuses. De ces autres formes, autant qu’il m’en souvient, tu reconnaissais quatre espèces, qui méritaient l’attention et dont il fallait examiner les défauts, sans oublier les individus correspondant à chaque espèce, afin qu’après les avoir passés tous en revue et avoir reconnu entre nous le meilleur et le pire, nous fussions en état de juger si le meilleur est le plus heureux, et le pire le plus malheureux des hommes, ou s’il en est autrement. Et comme je te demandais quelles étaient ces quatre formes de gouvernement, bà ce moment Polémarque et Adimante ont pris la parole, et c’est ainsi que, relevant la question posée par eux, tu as abouti au point où nous en sommes.

Ta mémoire est très fidèle, dis-je.

Fais donc comme les lutteurs, donne-moi la même prise, et, puisque je te pose la même question, essaye de dire ce que tu allais alors répondre.

Si je puis, dis-je.

De mon côté, dit-il, je suis vraiment impatient d’apprendre de toi quels sont ces quatre gouvernements dont tu parlais.

cIl est facile, dis-je, de te satisfaire ; car les gouvernements que je veux dire ont des noms bien connus et les voici. Le premier et le plus vanté est le fameux gouvernement de Crète et de Lacédémone[1] ; le second, dans l’ordre des rangs et du mérite aussi, s’appelle oligarchie ; c’est un gouvernement plein de défauts sans nombre ; vient ensuite un gouvernement opposé au précédent, la démocratie, et enfin la noble tyrannie, qui l’emporte sur tous les autres : c’est la quatrième et dernière maladie de l’État. Vois-tu quelque autre forme de gouvernement dqu’on puisse ranger dans une espèce bien

  1. La défaite d’Ægos Potamoi, due à l’indiscipline des matelots athéniens, avait montré la supériorité de la constitution de Sparte. Aussi les cercles aristocratiques d’Athènes l’opposaient-ils à la constitution démocratique, responsable à leurs yeux des malheurs de la patrie. On « laconisait » aussi dans le cercle des Socratiques. Cf. Xén., Mém., III, 5, 15 sq., IV, 4, 15 et la République des Lacédé-