Aller au contenu

Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
601 c
93
LA RÉPUBLIQUE X

Parle, dit-il.

Le peintre, disons-nous, peindra une bride et un mors.

Oui.

Mais c’est le sellier et le forgeron qui les fabriqueront.

Assurément.

Mais celui qui sait comment doivent être faits la bride et le mors, est-ce le peintre ? est-ce même ceux qui les ont fabriqués, le sellier et le forgeron ? n’est-ce pas plutôt celui qui sait s’en servir, le seul écuyer ?

C’est très vrai.

Ne reconnaîtrons-nous pas qu’il en est de même en toutes choses ?

Comment cela ?

dIl y a trois arts qui répondent à chaque objet, l’art qui s’en sert, celui qui le fabrique, celui qui l’imite.

Oui.

Or à quoi tendent les propriétés, la beauté, la perfection d’un meuble, d’un animal, d’une action, sinon à l’usage en vue duquel chaque chose est faite, soit par l’homme, soit par la nature[1] ?

À aucune autre chose.

C’est donc une nécessité absolue que celui qui se sert d’une chose soit le plus expérimenté et qu’il vienne dire au fabricant quels effets, bons ou mauvais, produit, à l’usage, l’instrument dont il se sert. Par exemple, le joueur de flûte renseigne le fabricant sur les flûtes qui lui servent à jouer, et c’est lui qui dira comment eil faut les faire et le fabricant lui obéira.

Sans doute.

Ainsi donc celui qui sait signale les qualités et les défauts d’une flûte, et l’autre la fabrique sur la foi du premier.

Oui.

Ainsi à propos du même instrument, le fabricant aura sur sa perfection ou son imperfection une foi qui sera juste, parce qu’il est en rapport avec celui qui sait, 602et qu’il est contraint d’écouter ses avis ; mais celui qui s’en sert a la science.

  1. Cf. Xén. Banquet V : « Comment peut-il se faire que tant d’êtres si dissemblables soient également beaux ? — S’ils sont bien adaptés par l’art ou par la nature à la destination que nous voulons leur donner dans l’usage, ils sont beaux. »