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LETTRE I

et sans aucune utilité par ailleurs. Elle n’apporterait, à toi le donataire, que le pire déshonneur et à moi guère moins, si je l’acceptais. C’est pourquoi je refuse. Évidemment, cela n’a pour toi aucune importance de recevoir ou de donner une telle somme : aussi reprends-la et courtise quelque autre de tes amis, comme tu m’as courtisé moi-même : je l’ai bien été suffisamment d par toi. Pour moi, c’est le cas de répéter le mot d’Euripide : quand tu verras un jour tout s’écrouler,

Tu souhaiteras trouver tel homme à tes côtés[1].

Souviens-toi encore, je t’en prie, que presque tous les poètes tragiques, quand ils représentent un tyran succombant sous les coups d’un assassin, le font s’écrier :

310Privé d’amis, ô malheureux, je meurs[2],

Mais aucun ne l’a fait périr faute d’argent. Et ces vers encore plaisent assez aux esprits sensés :

Ni l’or brillant, si rare dans la vie sans espoir des mortels,

Ni le diamant, ni l’éclat des lits d’argent, précieuse richesse des humains,

Ni sur la terre immense les plaines lourdes de fruits,

Ne valent entre gens de bien l’union intime des pensées[3].

Adieu. Reconnais tes grands torts envers moi, b afin de mieux traiter les autres.


    favoris du tyran. Dans le paragraphe suivant, il s’adresse uniquement à Denys.

  1. Trag. gr. (Nauck) Fr. 2, Euripide, no 956.
  2. Trag. gr. (Nauck) Fr. 2, Adespota, no 347.
  3. Lyr. gr. III (Bergk) Fr. Adespota, no 138.