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LETTRE VII

pas d’entendre le nom d’un gouvernement de justice et d’égalité.

Je faisais donc ces réflexions et les précédentes durant mon voyage à Syracuse. Est-ce par hasard ? Je crois plutôt e qu’un dieu s’efforçait alors d’amorcer tous les faits qui se sont à présent déroulés concernant Dion et les Syracusains[1], — et il faut encore redouter de pires maux, si maintenant vous ne suivez pas les conseils que je vous donne pour la seconde fois[2]. Mais comment puis-je soutenir que mon arrivée alors en Sicile 327 fut l’origine de tous ces événements ? Dans mes relations avec Dion qui était encore jeune, lui développant mes vues sur ce qui me paraissait le meilleur pour les hommes et l’engageant à les réaliser, je risque fort de ne m’être pas aperçu que d’une certaine façon je travaillais inconsciemment à la chute de la tyrannie. Car Dion, très ouvert à toutes choses et spécialement aux discours que je lui tenais, me comprenait admirablement, mieux que tous les jeunes gens que b j’ai jamais fréquentés. Il décida de mener désormais une vie différente de celle de la plupart des Italiens ou Siciliens en faisant beaucoup plus de cas de la vertu que d’une existence de plaisir et de sensualité. Dès lors, son attitude devint de plus en plus odieuse aux partisans du régime tyrannique, et cela jusqu’à la mort de Denys[3].

Après cet événement, il forma le projet de ne pas garder pour lui seul ces sentiments que lui avait fait acquérir la vraie philosophie. Il constata, du reste, que d’autres esprits c étaient gagnés, peu sans doute, mais pourtant quelques-uns, et parmi eux, il crut pouvoir bientôt compter [le jeune] Denys, avec l’aide des dieux. Or, s’il en était ainsi, quelle vie d’une incroyable félicité ce serait pour lui Denys et pour tous les Syracusains ! En outre, il jugea que je devais de toute façon me

    tueuses et formes légitimes de gouvernements. Il la développe surtout au IVe Livre de la Politique.

  1. Cf. Plutarque, Dion, c. 4 : « …ce qui ne se feit point par humaine providence, comme je croy, ains fut quelque Dieu, qui voulait de loing projetter les fondements de liberté à ceulx de Syracuse et dresser l’éversion de la tyrannie » (Amyot).
  2. La première fois, ce fut quand Platon donna des conseils de modération à Dion et à ses partisans réunis à Olympie. Cf. 350 d.
  3. Denys l’Ancien mourut en 367.