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LETTRE VII

hésitation s’il fallait ou non me mettre en route et céder aux sollicitations, ce qui pourtant fit pencher la balance, c’est la pensée que si jamais c on pouvait entreprendre la réalisation de mes plans législatifs et politiques, c’était le moment d’essayer : il n’y avait qu’à persuader suffisamment un seul homme et tout était gagné.


Second voyage en Sicile.

Dans ces dispositions d’esprit, je m’aventurai à partir. Je n’étais certes pas poussé par les motifs que certains imaginent, mais je rougissais surtout de passer à mes yeux pour un verbe-creux[1] qui ne veut jamais mettre la main à l’œuvre — et de risquer de trahir tout d’abord[2] l’hospitalité et l’amitié de Dion d dans un moment où il courait des dangers assez sérieux. Or, s’il lui arrivait malheur, si chassé par Denys et ses autres adversaires, il paraissait devant moi comme un banni et me disait : « Ô Platon, je viens à toi en proscrit : ce ne sont pas des hoplites ou des cavaliers qui m’ont fait défaut pour me défendre contre mes ennemis, mais ces discours persuasifs par lesquels tu peux, je le savais, pousser les jeunes gens au bien et à la justice et en même temps établir entre eux en toute occasion e des liens d’amitié et de camaraderie. Cela m’a manqué par ta faute, et voilà pourquoi maintenant j’ai quitté Syracuse et je me trouve ici. Mais mon sort est encore pour toi le moindre sujet de honte : la philosophie, elle, que tu as toujours à la bouche, et que tu dis méprisée par le reste des hommes, comment n’as-tu pas trahi sa cause avec la mienne, autant qu’il dépendait de toi ? 329 Oui, si nous avions habité Mégare[3], à mon appel, tu aurais certainement volé à mon secours ou tu te serais jugé le dernier des hommes. Et maintenant, tu prétextes la longueur du voyage, l’importance de la traversée, la fatigue, et tu crois pouvoir échapper pour l’avenir au reproche de lâcheté ? Il s’en faut certes de beaucoup. » Eh bien ! à ces paroles, quelle

  1. Cf. Plutarque, Dion, c. 11.
  2. Platon redoute deux choses, s’il refuse de partir : 1o  de trahir l’amitié de Dion ; 2o  de trahir également la cause de la philosophie. Au πρῶτον μὲν de 328 c, répond évidemment le φιλοσοφία δέ de 328 e.
  3. Mégare n’était pas très éloignée d’Athènes. C’est là que se